Malgré
le renforcement de l’arsenal législatif et la volonté politique affichée en
haut lieu, il n’y a eu, dans toute l’histoire judiciaire de la Mauritanie, que
deux procès pour pratiques esclavagistes suivis de condamnations pour crime
d’esclavage : celui de Yarg et Saïd en 2011, confirmé en appel en 2016, et le
procès dit de « Néma » en 2015, chacun étant suivi de peines très inférieures
au cadre législatif. En dépit de ces condamnations, de nombreuses plaintes
n’ont jamais pu aboutir et de nombreuses victimes ont renoncé à poursuivre en
justice leurs anciens maîtres, en raison de pressions familiales, peur de
représailles et/ou précarité matérielle de leur situation.
Exemple parmi tant d’autres : Khyra mint Habott,
déclarée née en 1984, à Atar, « lors des inondations », dit-elle, fut
libérée nuitamment de Tourine, en 2007, par la gendarmerie, sur ordre de la
justice. Disposant d’une carte d’identité – fait exceptionnel – elle avait
porté plainte et signé le PV de la gendarmerie. Mais suite à des
pressions familiales, elle y renonça, dès le lendemain matin, craignant
d’éventuelles représailles. L’action judiciaire s’éteignit aussitôt. Elle et sa
famille n’ont, aujourd’hui, aucune ressource et squattent le
terrain d’un particulier.
Des arrangements sont souvent scellés, entre les anciennes
victimes, ordinairement sans aucun droit ni titre, et leurs
« maîtres » disposant, quant à eux, d’une impunité totale et
entretenant paternalisme, plus souvent arrogance et mépris vis-à-vis des
esclaves et anciens esclaves. Complètement démunies de tout, notamment de
pièces d’état-civil, les anciennes victimes ne peuvent porter plainte ni même
établir procuration. El Id, fugueur quatre années durant, se disait victime
d’esclavage, de la part de proches d’une famille religieuse de l’Adrar.
Les autorités judiciaires régionales refusèrent, sous prétexte que son
« cas n’était pas authentique », d’enregistrer la plainte d’El Id
contre ses bourreaux qui « détenaient », avançait-il pourtant,
« sa mère et ses sœurs en otage ».
En ce qui concerne l’aspect juridique de la lutte contre
l’esclavage, un Plan d’Action National fut officiellement adopté, en Mars 2014,
par le gouvernement de la Mauritanie, et des tribunaux spéciaux fondés, pour
juger les crimes en la matière. Mais ces instances sont accusées de n’être que
façades, pour « rassurer » la Communauté internationale, elles ne disposent
d’aucune structure d’accompagnement, a contrario des cours spéciales contre le
terrorisme, le trafic de drogue ou la délinquance des mineurs. Pas de parquet,
pas de procureur spécialisé, ni de brigade spécialisée de gendarmerie (1).
De l’avis des abolitionnistes, nombre de magistrats
s’entêtent à ne pas appliquer la loi. « Le problème, c’est que la justice
ne fait pas son travail. Il y a des obstacles encore infranchissables. Si ceux
qui sont censés dire le droit ont eux-mêmes des esclaves, pensez-vous qu’ils
donneront tort aux maîtres poursuivis ? Evidemment non ! Ils ne
bougeront ni ne feront bouger aucun doigt », déplore Moubarak ould
Mahmoud, représentant régional de SOS Esclaves en Adrar. « Les
abolitionnistes font, de surcroît, l’objet d’énormes pressions et ne
bénéficient d’aucune protection. Idoumou ould Abeïd, point focal de SOS
esclaves, a échappé à plusieurs guet-apens tendus par les esclavagistes,
échappant de peu à la mort. « Evidemment, les maîtres sont mécontents du
travail que nous menons. On leur arrache les esclaves et ça les rend furieux.
Ils sont prêts à tous pour les retrouver ou châtier ce qu’ils les ont aidés à
s’échapper. Nous sommes dans leur viseur. Mais cela ne nous empêche pas de
faire notre travail et d’aider les victimes à recouvrer leur liberté. Ils ne
nous font pas peur », assure Idoumou. « N’étant pas à l’abri du besoin, on
ne peut pas être ferme dans ses principes », se désole, de son côté,
Moubarak. Son cas est révélateur. On ne cesse de lui rappeler sa condition
d’étranger à Atar.
De fait, il est originaire de Debbaye Ehel Mahmoud, village
situé à l’entrée de Néma et fondé par son père qui accueillit, jadis, de
nombreux haratines ou esclaves pourchassés par leurs maîtres. Son jeune frère
fut représentant de Sos Esclaves à Néma. Né en 1958, Moubarack a élu domicile à
Atar en 1995, après un court séjour à Kiffa. Les menaces de mort fusent de
partout mais il n’en a cure. « Je viens d’être expulsé, deux jours après
mon arrivée, par le propriétaire de la maison que j’ai louée, après m’être
acquitté de l’avance. Je ne suis plus désirable dans sa maison, en raison de
mes activités qu’il juge illicites », allègue-t-il. « Je n’ai ni
parcelle, ni maison à Atar. On veut m’obliger à me soumettre à ce que je
refuse. Je suis toujours exclu des attributions de parcelles. On ne cesse de me
poser des conditions. Je trouve cela inacceptable », se lamente-t-il.
Même son de cloche chez les défenseurs professionnels des
esclaves. « Il y a aussi de nombreuses pressions sur les avocats qui
s’occupent de dossiers contre l’esclavage, on vit sous embargo ! »,
s’exclame maître Bah M’Bareck, avocat (2). « On n’a pas de contrat avec
les sociétés, on n’arrive pas à s’en sortir avec les charges, les clients ne
viennent pas à moi car je suis étiqueté membre d’IRA. Les hommes
d’affaires en Mauritanie appartiennent à la même communauté, je ne partage pas
leur position : donc, ils me boycottent ».
Procès
Said et Yarg
En 2011, Said ould Salka a 13 ans et son frère Yarg 8 ans.
Ils devraient être, normalement, à l’école mais sont, de fait, détenus en
esclavage par la famille Ehel Hassine (Cheikh Ould Hassine, un policier, ses
frères Tijiani, Nadhirou, Ahmed, Mohamed, et leur mère, Mariem mint Mohamed
Mbarek). Le 17 Avril 2011, Biram Abeid, de l’IRA, Boubacar ould Messaoud, de
SOS Esclaves, et Aminetou mint El Moctar, de l’AFCF, déposent une plainte
contre les maîtres des deux enfants, résidant tous à Boutilimitt. Le procès de
la famille Hassine se voit clôturé par la condamnation du fils aîné, Ahmedou
ould Hassine, à deux ans de prison ferme et une amende de huit cent cinquante
mille ouguiyas pour pratiques d'esclavage sur les frères Said et Yarg. Les
autres membres de la famille écopent de deux ans de prison avec sursis et une
amende d'un million d'ouguiyas pour complicité ; la mère des enfants, d’un
an de prison avec sursis. « Une reconnaissance sans ambages de
l'existence, en Mauritanie, de ce phénomène abject. C'est également une
première consécration de notre combat légitime qui vise l'ancrage des valeurs
civiques et égalitaires », se réjouissent les abolitionnistes. Mais aucune
des peines n’a été effectivement appliquée. Aujourd’hui, respectivement premier
et troisième de leur classe, Said et Yarg vont à l’école sans aucune assistance
des pouvoirs publics.
Procès
en appel de Néma
Le 16 Avril 2016, la Cour spécialisée en affaires
d’esclavage de Néma organisait son premier procès – dossier 110/2015 – mettant
en cause Bouta mint Hemedi et Vatme mint Zaïda, respectivement réduites en
esclavage par Hanena ould Bouna et Ikhalihena ould Haïmad, résidents à Azamad,
une localité de la moughataa de Nbeïket Lahwach, dans le Hodh Ech-Chargui. Bien
que la Cour ait retenu des charges de pratiques esclavagistes contre les
prévenus, elle ne leur a cependant infligé, en première instance, qu’à peine
cinq ans de prison, dont un seul ferme, et un million d’amende, alors que les
dispositions légales de la loi 031/2015 prévoit, au minimum, dix ans
d’emprisonnement et cinq millions de dommages et intérêts, en le cas d’espèce
(2).
« Après la présentation d’usage des dossiers et des
prévenus, le juge donne la parole aux avocats. Comme à son habitude, maître Id
nous gratifie d’une brillante plaidoirie », relate notre confrère Sneiba
El Kory, « rappelant l’importance de l’application rigoureuse des lois sur
l’esclavage, afin de prémunir le pays contre des injustices inhumaines qui
risquent de compromettre, si rien n’est fait, la cohésion sociale. Or, selon
lui, le jugement rendu en première instance, il y a trois mois, par la Cour
spécialisée de Néma, déçoit cet impératif. Il faut corriger cette erreur de
jugement.
Après délibération, les juges décident de revoir à la
hausse l’amende qu’Ikhalihina devait verser à Bouta. Au lieu du million exigé
en première instance, l’esclavagiste devra en verser six, à son ancienne
esclave. Les peines d’emprisonnement de cinq ans, dont un ferme, sont, elles,
confirmées. Presque un arrangement à l’amiable, donc, à l’instar des plus
célèbres affaires analogues de ces deux ou trois dernières années.
Khdeïja mint Tarbe avait conclu un tel accord, avec ses maîtres Hanene et
Itawal Oumroun, fils de Nane (dossier 99/2014). Une conciliation qui lui permit
d’obtenir vingt vaches, quarante chèvres et un chameau. Comme Khdeïja mint
Tarbe, Vatme mint Zeïd et son frère ont conclu, avec leur ancien maître, Hanene
ould Bouna, un accord leur permettant d’empocher trois millions et demi
d’ouguiyas, en deux tranches. La première, d’un million et demi, a été déjà
perçue ; le reliquat sera versé en Août 2016 » (3)
La fondation des trois tribunaux spéciaux chargés de
l’esclavage, dont celui sis à Néma, a suscité l’espoir d’une plus grande
célérité, dans le traitement des affaires liées aux pratiques esclavagistes.
Plus grande célérité peut-être ; plus rigoureuse application de la loi, c’est
certainement encore moins sûr. Ainsi que le souligne Boubacar Messaoud qui a,
lui aussi, assisté aux assises de la Cour d’appel à Néma, sur le dossier
110/2015, « le jugement en première instance de ce dossier n’avait pas été
encourageant. Certains magistrats s’entêtent à ne pas appliquer la loi. La
preuve en est encore assénée aujourd’hui : confirmer la condamnation de
personnes accablées par toutes les preuves d’esclavagistes reconnues, par le
tribunal lui-même, comme telles, à cinq ans d’emprisonnement, dont quatre avec
sursis, est ridicule, puisque les dispositions de l’article 7 de la loi
031/2015 prévoient, au minimum, dix ans (3) ».
Cas
d’esclavage pendant devant les autorités administratives et judiciaires du pays
(4)
Hanna mint Salem et ses deux enfants. En Novembre 2007, un
cas d’esclavage, dans la localité de Lemteyine (située dans le département de
R’Kiz, région du Trarza), oppose le couple Isselmou ould Deidi-Hanna mint Salem
(victimes de la pratique), à la famille Ehel Houssein, des Oulad Boueiliyye
dont le chef est Yehdhih ould Houssein. Le couple réclame le droit de récupérer
deux enfants, âgés de 8 et 2 ans, nés d’un mariage précédent de Hanna avec un
autre homme, « et restés en esclavage » au sein de la famille mise en cause.
Après dénonciation le samedi 24 Novembre 2007, les accusés réfutent en bloc les
faits. Menacés par le hakem et la gendarmerie locale, Hanna et son mari n’ont jamais
obtenu gain de cause.
2. Habi mint Rabah et ses deux enfants. Le frère de Habi,
Bilal ould Rabah, s’était libéré de ses maîtres et souhaitait la libération de
sa sœur, encore esclave de ses anciens maîtres et victime de travaux forcés et
d’abus sexuels, aux environs de Mederdra (Trarza), dans la localité de Eychaya.
En Mars 2008, Habi mint Rabah, fut libérée grâce à l’intervention des
organisations abolitionnistes. Le cas de Habi est d’autant plus marquant, dans
l’étape importante de l’abolition de l’esclavage, que les autorités de la
région, wali et gendarmerie notamment, furent accusées d’appuyer les activités
esclavagistes des maîtres. Habi mint Rabah indiqua, elle-même, qu’elle avait
subi une «certaine pression de son entourage et du wali, pour tenir un certain
discours devant la presse et autre organisation ».
3. Aichetou mint M’bareck et ses huit enfants. Le Jeudi 30
Septembre 2010, des responsables d’IRA–Mauritanie reçoivent des renseignements
de certains militants et sympathisants de leur organisation à Rosso qu’une
jeune esclave du nom d’Aichetou mint M’bareck et ses deux filles, Moyna, 16
ans, et Mabrouka, 10 ans, ont subi des châtiments sauvages, d’un maitres
d’esclaves, nommé Yedali ould Veyjeh. L’homme chapeaute l’ensemble tribal des
Oulad Benioug. « Nos sources le qualifient », signale IRA-Mauritanie,
« de violent et de méchant ». Dirigée par Biram Dah Abeid, une
mission d’IRA saisit le wali (gouverneur de région) de Rosso qui charge le
commissaire de police de la ville de diligenter une enquête. Celle-ci commence
par l’arrestation de deux des présumés coupables, en l’occurrence, Yedali ould
Veyjeh et sa soeur Feyliha ; les deux accusés avouent aux policiers, pendant
leurs auditions du 03 Octobre 2010, qu’Aichetou et ses enfants : Moyna 19 ans (avec
son bébé de 1 an et demi), Mabrouka, 15 ans, Tayvour et Mbi, 12 ans, Salma, 8
ans, Mama, 5 ans, Aminetou, 4 ans, Limam, 1 an et demi , sont leurs
« esclaves par ascendance », qu’ils travaillent pour eux sans
salaire, et qu’eux deux sont leurs tuteurs. Yedali ould Veyjeh est toujours
libre et le dossier est toujours suspendu auprès de la justice mauritanienne.
4. Les fillettes Salma et Nana. Deux petites esclaves
mineures, Salma mint Ahmed Kory, âgée de 9 ans, et Oum El Issa mint Salem, âgée
de 15 ans, sont détenues par leur maîtresse, Oumlemnine mint Bakar Vall, objet
du dossier N° 1442/2010, dont le procès se tient le 16/01/2011. Condamnée par
la justice, Mint Bakar Vall est toujours en liberté.
5. La fillette Hasniya mint Bebbah. Le médecin Ahmed ould
Mini, fonctionnaire au ministère de la Santé séquestrait et séquestre toujours,
dans sa demeure à Arafat, la fillette Hasniya mint Bebe et le garçon Bougar
ould Hawa, « ses esclaves par ascendance ». Une affaire
qu’IRA-Mauritanie a introduite, par la voix légale, devant les autorités, le 27
Février 2011 et que la justice a toujours refusé de traiter, sur ordre du
pouvoir politique.
6. M’barka mint Essatim. En Mars 2011, à Toujounine, les
familles Ehel Bouh (Brahim Salem ould Bouh, Khoueïta mint Bouh), Fatma El Ghaya
mint LehreyItani (mère de Brahim Salem, Khoueïta et Fadila mint Brahim Salem
ould Bouh) et Ehel Lehreytani, reconnaissent avoir hérité, en propriétés,
Mbarka mint Assatim et ses fillettes mineures (Douida, âgée de 7 ans, et
Oueichita, 9 ans). Elles les font travailler comme des bêtes de somme, privant
les filles de toute scolarité. M’barka dit avoir vécu un quotidien de viol, de
violence physique et sexuelle, tout au long de sa vie d’esclave. Actuellement,
elle vit libre, avec son mari et ses deux enfants mais sont tous les deux au
chômage. L’époux se débrouille, de temps en temps, en faisant le taximan. La
police judiciaire et le ministère public ont refusé de poursuivre les coupables
par les textes en vigueur.
7. Enfant esclave chez Métou mint Abdallahi ould Abdel
Nour. En Avril 2011, Métou mint Abdallahi ould Abdel Nour, Fatimetou mint
Cheikh Seyidi et Salka mint Hamadi sont accusées de pratiques esclavagistes,
présentées au Parquet, puis mises sous mandat de dépôt en prison. Avant d’être
rapidement acquittées. IRA condamne l’implication du pouvoir dans le procès du
mercredi 13 Avril 2011, où les trois présumés esclavagistes ont bénéficié d’un
non-lieu, suite à de très fortes pressions tribales.
8. Zahra mint Taghi, orpheline de père et de mère, âgée de
16 ans, objet du dossier 363/2011.
9. Houeija mint Mohamed Lemine ould M’Bareck, âgée de 14
ans, objet du dossier 364/2011.
10. Salka mint Ahmed Zaid, âgée de 10 ans, objet du
dossier 365/2011.
11. Aouichetou mint Hamadi. Le 03 Août 2011, les frères de
madame Aicha mint Saibott, de la tribu Noghmach, accusée de pratiques
esclavagiste sur la personne d’Aouichetou mint Hamadi, âgée de 10 ans,
attaquent, vers une heure du matin, la brigade des mineurs où leur soeur est
détenue. L’affaire avait été signalé, par la section IRA d’Arafat, quelques
jours auparavant. Madame Saibott a été libérée et la petite Aouichetou jamais
retrouvée.
12. Soueilim ould Koueiry. En Septembre 2011, les
militants d’IRA-Mauritanie/Boutilimitt sont informés d’un cas d’esclavage sur
le nommé Salem ould Koueiry dit Maouloud, âgé d’une cinquantaine d’années. Pour
avoir refusé de conduire, seul, le bétail de ses présumé maîtres, vers la
région du Brakna, Salem a été battu et blessé par Mohamed Vall ould Ahmedou,
comptable à la Société Nationale des Hydrocarbures, et son cousin. Après une
forte pression de la tribu Taguilalet, d’une partie de ses haratines et une
enveloppe de 60 000 UM, Salem retire sa plainte. Démunis et ignorant totalement
ses droits, Salem est dans l’incapacité de se défendre et de faire face à sa
situation économique.
13. Rabi’a et ses sœurs. En Septembre 2011, madame Rabi’a
est accusée de détenir en esclavage, chez elle, quatre filles et deux garçons
dont le plus âgé a 20 ans. Devant le procureur de République de Nouadhibou,
Rabi’a reconnaît détenir « ces esclaves qu’elle a hérité de ses
parents ». Malgré cela, elle n’est pas inquiétée et reste libre de ses
mouvements. Une plainte a pourtant été déposée contre elle.
14. Madame Riva’a mint M’Hamed, de la tribu Tekna, est
accusée de détenir en esclavage chez elle quatre filles et deux garçons dont le
plus âgé a 20 ans (les autres mineurs).
15. Affaire Ain Farba. En Janvier 2012, une délégation
d'IRA-Mauritanie accompagne et assiste le jeune Mohamed Lemine ould Mbareck
ould Laghdaf, pour l’aider à porter plainte, à la brigade de gendarmerie de Ain
Farba (Hodh el Gharbi), contre Mohamed Nouh ould Khanvour, commerçant et
éleveur, membre de l'ethnie arabo-berbère et son épouse Elettou mint El Ghardy.
C’est cette famille de maîtres esclavagistes qui détient en esclavage, par
héritage, les frères et sœurs de Mohamed Lemine. Ce dernier a pris gout à la
liberté, grâce à un concours de circonstances particulier. Le chef de la
gendarmerie d’Ain Farba, l’adjudant-chef Bouboutt Dieng, visiblement bien au
fait de la composition et de l'objet de cette mission, reçoit très mal le
plaignant, le traitant de menteur et d'escroc. Très remonté, il menace de le
corriger sévèrement, ainsi que ses accompagnateurs. Ce cas avéré n’a jamais été
traité par l’autorité et la justice.
16. M’barka mint Hmeida. Septembre 2011, M’barka mint
Lekhweidem Aheimed, âgée d’environ 20 ans, fuit ses maîtres, dans la localité
de Mbidane, à 45 kilomètres de Kaédi, où elle se réfugie, quelques semaines
plus tard. Elle est l’esclave de la famille Ehl Amar, membre de la tribu
Touabir. Mbarka ne possède aucun document d’état-civil mais, grâce au soutien
du correspondant local d’IRA, décide de porter plainte contre ses exploiteurs
qui l’empêchent de venir vivre avec sa mère, à Kaédi. Cette dernière, complice
de Ehl Amar, la pousse à regagner Mbidane et continuer de les servir. Les
autorités – ici Directeur régional de la Sûreté, procureur de la République,
chef de brigade de gendarmerie – se déclarent territorialement incompétentes et
renvoient la plaignante, le dimanche 18 Septembre 2011.
17. Moctar ould Bilal. Lundi 23 Janvier 2012, un garçon de
14 ans environ, dénommé Mokhtar ould Bilal, affirme sa volonté de porter
plainte contre ses maîtres esclavagistes, Ehel Sidinna, et contre ses propres
parents (son père et sa mère), pour leur connivence avec ces derniers.
Considérant la gravité du cas qui repose sur les aveux irrévocables de la
victime, IRA décide d’accompagner celle-ci pour déposer sa plainte. La victime
est entendue à la brigade des mineurs en conflit avec la loi, en présence de
l’avocat Maître Bah ould M’Bareck. Le jeune Mokhtar ould Bilal affirme avoir
tenté de s’arracher de ses maîtres esclavagistes à deux reprises. Mais, à
chaque fois, un de ses parents chez lequel il se réfugiait le leur remettait.
Ainsi retournait-il, malgré lui, à l’enfer de la vie servile et coercitive.
C’est pourquoi a-t-il, cette fois, préféré chercher refuge chez IRA-Toujounine,
espérant son aide pour sortir définitivement du joug de l’esclavage et
recouvrer, en conséquence, la plénitude de ses droits. Ironie du sort,
l’enquête, qui prenait normalement son cours, a connu un sérieux revirement de
situation suite à l’engagement du procureur à libérer, manu militari et contre
toute attente, les quatre prévenus arrêtés. « Une décision à odeur de
manipulation », commente IRA, « parti-pris et complot auxquels une
certaine justice des segments de la féodalité et de l’esclavagisme à tous vents
nous a toujours habitués ». Moctar se retrouve, comme les autres venus
demander asile à l’organisation abolitionniste, à la charge de l’IRA et ne
dispose d’aucune ressource.
18. Souadou. L’affaire de l’esclave Souadou, disparue dans
des conditions non élucidées, aux environs de Wadane, en Adrar, faisant
peser lourdement les soupçons d’un suicide ou d’un présumé meurtre, pourra
être, au rythme de la ferme volonté des abolitionnistes d’exiger la vérité,
rien que la vérité ainsi que la justice, le déclic qui consacrera l’avènement
d’une nouvelle de la dignité retrouvée des anciens asservis. Les activistes des
droits de l’homme avancent que Souadou aurait été assassinée, par ses maîtres,
dans la localité de « Hassi Etyour », près de« Legdeym », à 25 kilomètres de
Wadane. Le procureur de la République près la Cour de la wilaya, monsieur
Mohamed ould Bekar, a classé le dossier sans suite.
THIAM
Mamadou, assisté de B. TOURE
Dossier réalisé dans le cadre du Projet : « Liberté, droit
et justice : combattre l’esclavage par ascendance en Mauritanie » du
Département d’Etat des Etats-Unis.
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(1) et (2) « Esclavage et discriminations en
République Islamique de Mauritanie : braver le déni » Marie Foray,
juriste.
(3) : Cour spécialisée de Néma, Dossier 110/2016, en appel
– voir l’article d’El Kory Sneiba, http://lecalame.info/?q=node/4246 El
Kory Sneïba
(4) Pièces fournies par IRA-Mauritanie
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