En Mauritanie, la jonction possible de la
problématique de l’esclavage (couche haratine victime) et le système de
castes régissant presque toutes les autres communautés nationales ,
surgit fréquemment dans les débats à divers niveaux (réseaux sociaux, plateaux
télé et d’autres). Et ceux qui se jouent en premier de ce rapprochement,
trouvent aisément une échappatoire calculée afin de soulager leur conscience
face aux conséquences de l’ordre esclavagiste et ses dérivés béants. Les
seconds souvent se trouvant interpellés à vif, tentent expressément d’indexer la
gravité de l’ordre esclavagiste affectant une frange de la communauté Haratine,
et par un détour lisse et moins fouillé, le système de castes apparaît comme un
modèle gentil avec des vertus enviées pour tous les segments de la société
castée.
L’ordre esclavagiste se singularise par la
chosification de l’Homme esclave qui est conditionné à lier le sens de son
existence qu’en étant au service de son maître. Et ce dernier dénie
implicitement à l’esclave toutes les références valeureuses en vigueur entre les
gens normaux dans la société. Par cette flagrance, l’indexation d’un pareil
système inique et injuste, est aisé car les deux univers (exploitant et
exploité) se distinguent de fait.
Quand au système de la hiérarchisation par
castes sociales, l’approche classique le présente comme un régime de partage du
travail et une régulation sociale et sociétale . Dans ce système, on croit lier
le statut social et coutumier d’un individu au métier qu’il exerce, et de ce
fait, si chacun occupait sa place selon ses compétences pour la bonne
marche du Tout interdépendant, tout serait presque parfait. Mais qui occupe
quoi dans ce système dont certains parmi les voix autorisées qui appellent à un
progressisme osé à l’échelle nationale de la part nos concitoyens arabo-berbères,
peuvent citer aisément les différentes couches et leurs fonctions dites
louables, mais évitent sournoisement de nommer la caste d’extraction
servile. En effet, on voudrait faire croire que la caste griote par son
statut coutumier , est une nécessité pour la transmission et l’entretien du
prestige mémorial de ceux qui dirigent par l’ordre féodal sur le matériel et
l’immatériel. Dans un magma primitif truffé des non-dits, l’ordre féodal règne
en douceur à travers différentes manifestations et cérémonies à caractère
sociétal et social, et surtout même improprement appelées
« culturelles ». Ainsi la promotion dite culturelle d’une société
castée ne peut échapper à une certaine réaffirmation du puzzle coutumier casant
les uns et les autres pour le bon fonctionnement du système.
Il peut être admis aisément par tout
observateur sincère parmi Nous (Noirs mauritaniens en premier et d’autres) ,
que nos sociétés hiérarchisées se composent d’une caste dite supérieure et
d’une autre dite inférieure. En effet, la dite supérieure tient l’ordre du
système en complicité généralement avec d’autres castes intermédiaires qui y
tirent différents privilèges dans le temps et l’espace.
Et la caste dite
inférieure et la citoyenneté dans ça…!!!???
Le système des castes se reconnaît facilement
féodal, mais se refuse naturellement d’être esclavagiste de fait. Bien que le
féodalisme et l’esclavagisme se définissent plus par un état d’esprit
particulier qui dépasse l’élément racial, les milieux féodaux et les
esclavagistes veulent s’éviter en public. Et pourtant les uns et les autres
peuvent avoir des affinités fines sur tout ce qui a trait à la direction des
affaires communautaires, tribales, ethniques et même étatiques .
Dans le système des castes, le statut
coutumier d’esclave existe et s’entretient sournoisement dans le temps et
l’espace. La caste d’extraction servile est de loin la plus lésée et
stigmatisée de la stratification sociale qui régule le socle d’identification
de chacun d’entre nous. Par évidence la caste esclave ne subit pas l’esclavage
proprement dit aujourd’hui , mais est appelée à se soumettre à un
conditionnement faisant d’elle, la dévouée aux rôles sociétaux les moins
enviables (danses, travaux physiques, langage grossier, et auto-dévaluation par
rapport aux autres). Un type casté esclave doit savoir assumer ouvertement
qu’il serait indigne d’accéder à certains cercles d’échanges et de
responsabilité, et que son honneur dans le groupe dépend d’une subordination à
la famille de son maître par ascendance matrilinéaire. Un tel casté abreuvé à
cette « sauce » déterministe, pensera que même La Miséricorde d’Allah
azzewejel envers les Hommes devrait respecter cet ordre foncièrement
discriminant par déterminisme de naissance. Cependant la caste dite inférieure
a pour fonction première de servir aux tenants du système, une référence
d’indignité et une couche sociale de sang impur frappé d’une damnation
éternelle parce que ayant subi l’ordre esclavagiste d’antan. Ainsi très
souvent, le casté esclave n’est pas une victime comme les autres, car il se
plaît étrangement dans un ordre qui nie explicitement sa Dignité d’Être et
d’Avoir en fonction de ses capacités intellectuelles et physiques.
Comme dans un régime esclavagiste, les hommes
ne se valent pas non plus dans une société où règne le système des castes. En
effet, dans les deux cas on accorde peu d’importance aux notions comme
citoyenneté, droits humains, démocratie et égalité. Sinon pour certains
de nôtres, le prêche pour l’exercice de ces notions varie selon l’endroit
concerné (le village ou le pays). Certains peuvent dénoncer un ordre
étatique dit à dominance beydane et en appelant à plus d’ouverture progressiste
sur l’élément NATIONAL, mais s’avérer être des conservateurs zélés de l’ordre
féodal qui sévit dans leurs TERROIRS. On croit être en droit légitime d’indexer
le vrai-pouvoir dit Maure, et par une gymnastique d’esprit, nos villages sont
considérés comme des principautés. Dans ces dernières où certains dont les
ancêtres subirent l’ordre esclavagiste et ayant participé vaillamment à
l’installation des sites villageois , sont frappés d’illégitimité éternelle sur
le matériel et l’immatériel. Ainsi d’un ordre à un autre, ton voisin du village
est perçu tantôt comme un citoyen conscient avec qui on doit lutter pour nos
Droits politiques, et tantôt comme un élément perturbateur menaçant la dite
cohésion tribalo-ethnique. En effet, il est pertinent de faire comprendre à
ceux qui jurent par l’exclusivité du droit presque divin de la chefferie
coutumière dans nos communautés féodales, que le contrôle quasi exclusif des
leviers régaliens de l’État Mauritanien par la dite minorité arabo-berbère
serait une norme respectant la logique des choses finalement. Dans ce pays
dénommé Mauritanie, certains Maures conditionnés par l’idéologie panarabe et
nationaliste, se servent des mêmes références déterministes et
exclusivistes que certains milieux féodaux sur la gouvernance des affaires
publiques. C’est ainsi, être nés égaux en Droits et en Devoirs n’aura pas la
même saveur selon l’échelle nationale ou intra-communautaire. De ce fait,
l’engagement pour les Droits humains, s’assume à la carte en fonction des
échelles.
Certains milieux engagés pour l’émergence
d’un État de droit en Mauritanie veulent minorer les écueils de l’ordre féodal
basé sur le système de castes en vigueur. On voudrait admettre que la
problématique de la féodalité serait un faux débat et une simple histoire de
complexés. D’autres veulent assurer qu’ils auraient réglé et dépassé les injustices
liées au système de castes , par des pièces théâtrales dans le passé, alors
qu’aujourd’hui en 2015, beaucoup feignent d’éviter par une gêne inexpliquée et
suspecte, tout débat sur la question. Il est beaucoup question de culturel ici
et là, mais nous devons accepter humblement et courageusement que le culturel
peut être source d’injustice et des stigmatisations pour les consciences de
certains parmi nous. Il faut bien rappeler aux proclamés porte-étendards
engagés de la sphère politique et de la société civile, qu’il faudrait un
réflexe sincère d’empathie pour mener les engagements avec une COHÉRENCE tant
souhaitée et nécessaire.
Kundu Sumare
SoninkIdees-J’ose
by K.S
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