"Nèg vann nèg, sé nèg ki vann
nèg…." L'histoire de la déportation d'Africains pour être mis en esclavage
dans les plantations d'Amérique, appelée traite négrière par ceux qui ont été à
l'initiative de ce commerce, met souvent en exergue comme source principale de
son approvisionnement en main d'œuvre, le fait que les Africains vendaient les
africains, ce qui très rapidement est devenu "nèg vann nèg".
Si on accepte une telle synthèse il devient
dès lors tout aussi facile de dire que dans les camps de concentration d'Europe
type Auschwitz "sé blan ki brilé blan" (ce sont des Blancs qui ont
brulé des Blancs). Pourtant les récits de cette histoire font bien la
différence entre les nazis et les juifs. Tous deux appartenant pourtant au
groupe des Blancs…. La distinction est faite entre deux groupes (nazis et
juifs) appartenant à la même ethnie. La distinction doit être faite dans
le commerce d'africains entre captifs et trafiquants de captifs
appartenants à la même ethnie.
Le "nèg ki vann nèg" participe de
cette infériorisation générale du Noir qui doit justifier et légitimer tous ses
malheurs puisqu'il en a été le complice.
L'esclavage est une institution vieille comme
le monde. Si l'esclavage est mentionné dans les premières civilisations
écrites, les conditions de son émergence sont, en l'absence de sources,
impossibles à déterminer avec précision. Le statut et la fonction de l'esclave
ont varié selon les époques et les lieux : les sources et les
justifications de l'esclavage, la position et les tâches matérielles conférées
aux esclaves ainsi que les conditions de sortie de la condition d'esclaves sont
autant d'éléments qui confèrent sa spécificité à chaque configuration
historique.
Le plus souvent, les esclaves étaient
capturés à l'occasion de conflits entre des communautés ou des nations, comme
dans certaines sociétés de l'Antiquité européenne. Pour exemple : l'esclave
romain est ambivalent : il est à la fois homme et marchandise. Un esclave est
un bien que l'on possède mais ses droits ne sont pas nuls; les esclaves sont
sous la domination du maître. Le maître a le droit de vie et de mort sur ses esclaves.
Chez les Grecs l'esclavage était une déshumanisation de la personne, puisqu'on
parle de "cheptel humain". La Chine archaïque utilise une main
d'œuvre esclave pour construire les digues et les fortifications : la grande muraille n'échappe pas à la règle.
Les Amérindiens étaient répartis en nations dont certaines pratiquaient
l'esclavage avant l'arrivée des Européens.
Pour sortir du "nèg vann nèg" qui
relève d'une réduction très simpliste de l'histoire de ce que fut la véritable
industrie du commerce de captifs africains dit "commerce
triangulaire" il importe de connaitre les véritables mécanismes d'un
système économique qui dura de 1441 à fin 1880.
A propos du terme nègre :
L'Africain en Afrique ne s'est jamais appelé
"nègre".
"Le terme nègre tirera ses origines du nom
donné à l'africain par les portugais au fur et à mesure de leurs rencontres
avec d'autres parties du continent africain. Rencontres qui arrivèrent après
qu'ils aient pris pied dans l'ancienne Mauritanie qui correspond à l'actuel Maroc.
Georges Boisvert explique que "l'Autre africain est uniformément Mouro
(qui se rattache à la Mauritanie) jusqu'au moment où les navigateurs portugais
atteignent en 1446 ce qu'ils appellent la terra dos Negros (le pays des Noirs),
à la hauteur du fleuve Sénégal. Dès lors, les portugais distinguent deux types
de Mouros, les Mouros brancos ou alvos, et les mouros negros, ou tout
simplement les Negros. La couleur de la peau devient le terme par lequel est
désigné l'Autre appartenant à cette zone nouvellement découverte … Negro est
dès lors le terme générique qui sert à désigner l'ensemble des populations
subsahariennes… Le commerce des esclaves en se développant va affecter le mot
Negro d'une connotation péjorative dans la mesure où le Negro esclave est l'une
des marchandises recherchées par les portugais en Afrique." Les portugais,
précise Boisvert, "savent bien que tous les Negros ne sont pas esclaves.
Mais dans les mentalités s'est opérée une association entre esclaves et Negros,
dans la mesure où tous les esclaves qui sont ramenés de l'Afrique subsaharienne
sont des Noirs."
Boisvert Georges, La dénomination de
l'Autre africain au XVe siècle dans les récits des découvertes
portugaises, L'Homme, 153, Observer Nommer Classer,
2000
______________________________ ______________________________ ______________________
La traite négrière transatlantique
"Initiée par le Portugal en 1441 et
s’inscrivant d’abord dans le processus de guerre sainte chrétienne contre les
infidèles qui lui fournissait alors sa justification idéologique (Abramova
1985), la traite négrière transatlantique (TNTA) s’était aussi
matérialisée par un système économique répondant au mobile du profit (Williams
1968) et fondé sur la production, l’échange et l’utilisation d’un bien :
l’esclave. Produit en Afrique subsaharienne et utilisé dans les Amériques, ce
bien (l’esclave), contrairement à une opinion largement répandue (Fage 1981),
ne se puisait pas dans une classe d’esclaves disponibles sur le continent noir.
Dans le système de TNTA, l’esclave n’était pas non plus fourni par des éleveurs
professionnels ou des parents « vendant leurs progénitures » ou encore par «
des rois-nègres-trafiquant-leurs- sujets » (Meillassoux, 1971). Ces
caractéristiques montrent que le captif qui demeure dans son milieu social ne
peut devenir esclave : il ne peut y être étranger et conserve de surcroit tous
ses repères. Dès lors la technologie de production du bien esclave doit
combiner à l’input captif le facteur traite. Celui-ci consiste à extraire et
transporter hors de son milieu social, de son milieu de vie naturel, le captif.
Perdant ainsi sa terre mère (Survelor 1983), séparé de son milieu social et
déraciné, le captif devient un corps dépourvu de personnalité (Bormans 2004).
Sa désocialisation et sa réification ainsi produite par la traite s’achèvent
par une étape finale, la vente.
La production du captif : une
variété de techniques
En effet, le captif étant l’input essentiel
de production de l’esclave, la rationalité économique des capitalistes
utilisateurs d’esclave (les négriers) leur recommandait d’en assurer une offre
adéquate avec la demande. Or, les producteurs de captifs pouvaient être tentés
par des comportements opportunistes s’ils sont en nombre restreint (Williamson 1975).
Dans ce contexte, l’intérêt des négriers était de contrôler / et ou de
diversifier les sources d’approvisionnement. Ce qu’ils avaient fait en mettant
en place un ensemble complémentaire de techniques de production du captif, à
savoir, le rapt direct, le dressage des anciens esclaves, la création de «
princes négriers» au sein de la société africaine, la fomentation de guerres
interafricaines, l’élimination – désignation – contrôle de rois africains,
l’érection de l’esclave en monnaie.
1°) - Le rapt direct
Cette technique de production du captif était celle utilisée initialement par les portugais lorsqu’ils inaugurèrent la traite négrière en Afrique en 1441 : c’était la technique du filhamento : ils allaient attaquer les populations locales par surprise, les capturaient et les ramenaient au Portugal (Zurara3 1453).
Cette technique de production du captif était celle utilisée initialement par les portugais lorsqu’ils inaugurèrent la traite négrière en Afrique en 1441 : c’était la technique du filhamento : ils allaient attaquer les populations locales par surprise, les capturaient et les ramenaient au Portugal (Zurara3 1453).
Ce butin ramené à l’Infant et qui reçut un
accueil triomphal, donna le coup d’envoi de ce qui allait être la TNTA. A
partir de cette année 1441, les marins portugais, notamment les chevaliers de
l’ordre du Christ, opérant sous le commandement de l’Infant Henri le
Navigateur, feront des incursions récurrentes sur les côtes africaines et
captureront les autochtones par la même technique. Selon Zurara (1453 : 96) la
première vente publique de captifs extraits d’Afrique par les portugais eut
lieu le 8 août 1444, à Lagos (Portugal) en présence de l’Infant dom Henrique.
Et le partage terminé, « certains vendaient leurs esclaves ou les envoyaient
vers d’autres contrées, et il arrivait que le père restât à Lagos tandis que la
mère était emmenée à Lisbonne et les enfants ailleurs encore » ( Zurara 1453 :
96).
2°) - Le dressage des anciens
esclaves
En effet dès la première vente publique de
Lagos de 1444, les captifs étaient devenus des marchandises prisées : du
Portugal, ils étaient peu à peu exportés vers l’Italie, l’Espagne, etc… De
main-d’œuvre domestique, ils devenaient rapidement une main d’œuvre agricole
:suivant l’exemple des espagnols qui utilisaient les Guanches (autochtones des
îles atlantiques) comme esclaves agricoles aux îles Canaries dans la culture
sucrière, le Portugal allait rapidement réexporter les esclaves noirs vers les
îles atlantiques dont ce pays a pris possession, notamment Madère et les Açores
où ils allaient servir d’esclaves agricoles. La demande s’étant développée et
les razzias s’étant intensifiées, les populations côtières africaines avaient
appris à se méfier des navires et évitaient de se rendre sur les plages de peur
d’être capturées (Pinto et Carreira 1985). Alors, les portugais mettaient en
place une technique complémentaire de production du captif. Ca Da Mosto (1456 :
86), nous livra cette technique en ces termes : « Nous parvînmes à l’embouchure
d’un fleuve…nous jetâmes l’ancre et décidâmes de débarquer un de nos truchements,
car nous avons sur chacun de nos navires des interprètes noirs, venus du
Portugal, et qui étaient des esclaves noirs…Ces esclaves étaient devenus
chrétiens au Portugal et entendait bien la langue portugaise. Nous les avions
obtenus de leurs maîtres, au prix et à la condition qu’ils puissent choisir un
esclave parmi la cargaison de ceux que nous devions ramener.
Quant à nos truchements, outre ce service de
traduction, ils pouvaient s’affranchir s’ils baillaient quatre nouveaux
esclaves à leur maître ; par ce moyen, beaucoup parvinrent à se libérer de leur
servitude ». Ce qui était nouveau ici n’était nullement l’utilisation des
anciens captifs comme interprètes et agents de renseignements, car nombre
d’expéditions dont avait traité Zurara en comportaient. Mais c’était le
mécanisme du prix d’achat de leur liberté proposé aux anciens captifs : « une
fois qu’on les avait baptisés et qu’ils parlaient la langue de leur maître ils
étaient embarqués à bord des caravelles et envoyés auprès de leurs congénères.
Ils devenaient des hommes libres après qu’ils avaient ramenés quatre esclaves »
(Pinto et Carreira 1985 : 131). Si l’on se place dans les conditions
idéologiques de la TNTA justifiée comme une action sainte, de salut des âmes,
il était clair que c’était un véritable dressage que subissaient ces anciens
captifs (Seti 1998, Logossah 1998a).
Ils étaient en effet conditionnés eux-mêmes à
aller capturer d’autres Noirs non chrétiens et à les livrer aux portugais,
convaincus alors que c’était là des actions voulues par le Dieu des chrétiens.
On comprend dès lors pourquoi ces anciens esclaves avaient joué un rôle
important dans le développement de la traite et surtout pourquoi ils devenaient
facilement des intermédiaires efficaces qui, plus tard, se spécialisaient dans
l’approvisionnement des négriers en captifs. Nous voyons poindre ici les
éléments primitifs de ce que l’historiographie officielle de la TNTA dénomme
les « rois nègres trafiquants d’esclaves ». Les portugais continueront
toutefois à structurer leur système de traite en ajoutant un dispositif
supplémentaire : la création d’une classe de négriers européens en Afrique
Noire.
3°) - La création d’une classe de
négriers expatriés au sein de la société africaine
En 1455, le prince dom Henrique faisait construire
à Arguin le premier fort portugais (Ca Da Mosto 1455 : 42) sur la Côte
occidentale africaine (voir carte page suisvante); cela allait marquer un
tournant dans les activités du Portugal et leur organisation en Afrique :
Arguin était destiné à servir le cas échéant de refuge, d’escale aux navires
envoyés en reconnaissance vers le sud ; Arguin fut aussi un modèle pour les
forts qui allaient être construits ultérieurement sur les côtes africaines
aussi bien par le Portugal que par les autres nations européennes.
Cette colonisation connut un nouvel essor à
partir de 1493 lorsqu’arrivaient sur l’île des artisans sucriers de Madère et
surtout lorsqu’y étaient déportés 2000 enfants juifs, garçons comme filles,
séparés de leurs parents, âgés de huit ans au plus, de même que des prisonniers
et des condamnés de droit communs auxquels le roi faisait donner des terres
(Ballong-Wen-Mewuda 1988 : 124). Cette colonie de peuplement, constituée en
grande partie de gens foi ni loi pour les adultes, reçut comme mission de
développer la culture de canne à sucre, de malaguettes, d’épices, mais aussi le
trafic humain. La réalité était que ces colons, constitués en grande partie de
hors-la -loi, allaient développer une activité soutenue de razzias à
l’intérieur du Congo et sur les côtes environnantes ; ils constituaient une
partie des grands princes marchands d’esclaves qui avaient sévi sur les côtes
africaines durant la TNTA.
Ils apparaissaient aussi comme les éléments
primitifs des redoutables lançados que le Portugal installait au Congo-Angola
dès le XVI ème siècle. Ces lançados (ceux qui osèrent se lancer à l’intérieur
des terres) installé au sein des sociétés africaines au Congo – Angola, et qui
s’adonnaient aux razzias – ventes de captifs en investissant l’intérieur des terres,
étaient décrits en ce début du 16è siècle comme « la semence de l’enfer », «
tout ce qu’il y a de mal », « assassins, débauchés, voleurs ». « Avec le temps,
ce groupe d’intermédiaires va s’étoffer au point de constituer en plusieurs
points de la côte, cette classe de « princes marchands » sur laquelle va
reposer la traite » (M’bokolo 1998 : 3).
4°) - La fomentation de guerres
interafricaines
Cette pérennisation s’appuyait également sur
la technique de fomentation de guerres interafricaines. Kay indiquait ainsi que
« Les expéditions en Afrique étaient devenues autre chose que de simples
entreprises commerciales. Elles avaient un but politique, celui par exemple, de
fomenter des guerres entre tribus africaines » (Bwemba-Bong 2005b : 129). Et
L’auteur de mentionner le rapport Wadstrom selon lequel les razzias conduites
au Sénégal étaient surtout le fait des Maures agissant pour le compte des
Français qui versaient une gratification annuelle à leurs chefs et leur
fournissaient gratuitement des armes à feu et des munitions. De son côté,
Morenas rapporte qu’en 1780, le gouverneur anglais de Saint-Louis, pour avoir
des esclaves, excita les Maures contre les Ouali en leur fournissant des armes,
des munitions et autres secours nécessaires, ce qui, deux ans plus tard, a
abouti à la dévastation du pays Oualo (Bwemba-Bong 2005b : 129-130).
Au point que la relation de cause à effet
entre la TNTA et la généralisation des guerres en Afrique Noire n’était pas du
tout celle popularisée par l’historiographie traditionnelle de cette traite,
mais bien l’inverse : la TNTA ne s’était pas développée parce qu’il y avait «
des guerres permanentes entre les tribus africaines », mais c’était le
développement de la TNTA qui généralisait les guerres (Logossah 1998c).
5°) - L’élimination – désignation – contrôle de
rois africains
La fomentation de guerres interafricaines
pour pérenniser la production de captif et d’esclave, était menée conjointement
avec la stratégie d’exercice du pouvoir en Afrique par personne interposée.
Cette stratégie consistait pour les négriers européens à placer au pouvoir en
Afrique des « rois » désignés par eux, de façon à les garder comme otage et à
leur dicter leur volonté, notamment celle de les approvisionner en captifs.
Bien entendu, ceux qui refusaient était éliminés. Les portugais avaient
recouru assez tôt à cette technique. Ainsi, sur la Côte des Esclaves (région
actuelle couvrant le Togo, le Bénin et le Nigéria), de nombreux roitelets
étaient en fait désignés par les portugais. Tels les « rois de plage » de Petit
Popo (actuelle ville d’Aneho au Togo), les « rois » d’Allada (République du
Bénin actuelle) à partir d’un moment donné etc.
Au Congo également, cette technique fut
utilisée en 1568 à l’avènement au pouvoir d’Alvaro Ier. Celui-ci, chassé du pouvoir
par les résistants Jaga suite à son alliance avec les Portugais,fut rétabli au
pouvoir par les portugais (Pigafetta et Lopes 1591 : 170). Avant Alvaro 1er, la
même technique fut utilisée sur le roi N’zinga Mvemba (Afonso Ier). En effet
selon Pigafeta et Lopes (1591 : 151), à la mort du roi du Congo N’zinga-
A-Nkuwu dit dom Joao Ier, vers la fin du XVème siècle, un conflit de succession
éclata entre les deux prétendants au trône, notamment N’Zinga Mvemba, prince
converti au christianisme comme feue son père et Pango, prince ayant rejeté le
christianisme pour rester fidèle à la religion de ses ancêtres. Pango se
trouvait à l’intérieur du pays, guerroyant contre des populations qui s’étaient
rebellées du vivant de leur père.
6°) - L’érection de l’esclave en
monnaie
A l’ensemble des techniques précédentes de
production du captif, il faut ajouter enfin l'érection progressive et
définitive de l'esclave en monnaie d'échange par les négriers européens. En
effet, « Dès 1482, ils [les Portugais], y édifièrent un fort, Sao Jorge da Mina
[au Ghana actuel], qui permit un grand essor du commerce dans cette région.
Paradoxalement, une des monnaies d’échange
utilisée par les portugais pour obtenir de la poudre d’or était les esclaves,
qu’ils ramenaient principalement du Benin » (Pinto et Carreira 1985 : 133).
Ballong-Wen-Mewuda (1988) confirme également cet usage de l’esclave comme
monnaie d’échange par les portugais. A partir de ce moment l’esclave allait peu
à peu s’imposer comme monnaie dans les échanges d’importance : acquisition des
armes et autres produits manufacturés européens. Cette pratique que Pinto et
Carreira jugent « paradoxale », était en fait une œuvre de génie que les
portugais réalisaient en cette fin du XVème siècle. Il apparaît ainsi que la
TNTA fut un système possédant des mécanismes vitaux propres représentés par
l’ensemble des techniques de production du captif présenté ci-dessus : d’abord
le filhamento direct, ensuite le « dressage » d’anciens esclaves pour la chasse
aux captifs, puis la création d’une classe de négriers expatriés au sein de la
société africaine, la fomentation de guerres interafricaines, l’élimination et
la désignation de rois des rois africains et enfin l’érection de l’esclave en
monnaie.
7°) - La pérennisation de la
production de captif
L’ensemble des techniques de production du
captif et de l’esclave mises en place par les négriers européens et décrites
ci-dessus constituait, pour les populations et les sociétés africaines, un
cadre de conditionnement et d’éducation. Ces techniques étaient en effet des
stimuli auxquels les comportements sociaux et individuels locaux devaient
répondre. Elles proposaient une nouvelle activité économique et une nouvelle
organisation socioéconomique fondée sur la production et l’usage d’un bien :
l’esclave. Comme tout bien, celui-ci possédait une utilité génératrice de désir
chez les agents économiques qu’étaient les populations.
Conclusion
Portant sur la traite négrière
transatlantique (TNTA), cet article a pour objet de retracer le processus de
production de l’esclave, bien au centre du système de TNTA, et de montrer
comment ce système a été mis en place et pérennisé. Il montre que contrairement
à la littérature historique classique et à une opinion largement répandue, la
TNTA ne s’était pas développé à partir d’un esclavage interne africain
préalable ou à partir de la traite musulmane qui l’avait précédée mais qu’il
possédait des mécanismes vitaux propres. Ayant décomposé le processus de
production de l’esclave, l’article montre que ce bien était produit à partir
d’un input essentiel, le captif. L’analyse se concentre alors sur le processus
de production de celui-ci.
Elle montre que pour produire le captif, les
négriers européens avaient mis en place en Afrique subsaharienne, un ensemble
de techniques combinant le rapt direct par eux-mêmes à diverses techniques par
personnes interposées : le « dressage » d’anciens esclaves pour la chasse aux
captifs, la création d’une classe de négriers expatriés au sein de la société
africaine, la fomentation de guerres interafricaines, l’élimination-désignation
de rois africains ; ces techniques sont complétées par l’érection de l’esclave
en monnaie. L’article montre alors comment la dynamique résultant de la mise en
place de cet ensemble complémentaire de techniques de production et l’équilibre
sur lequel elle débouche à long terme avaient fini par engendrer en Afrique un
nouveau système économique et social centré sur la production et la vente de
l’esclave. En dominant ou évinçant progressivement les activités économiques de
la période prétraite, ce nouveau système économique impose une activité majeure
aux agents désireux de s’enrichir dans l’économie : la production et / ou la
vente de l’esclave. Ce qui avait assuré sa pérennité.
Extrait de l'article : http://www2.univ-ag.fr/RePEc/ DT/DT2013-10_Logossah.pdf
Colloque « Esclavage dans les Antilles
françaises : Avatar de la Servitude Antique ? »
CREDDI-LEAD, UAG, Faculté des sciences économiques et juridiques de la Guadeloupe,
Pointe-à-Pitre 22, 23 et 24 novembre 2012.
CREDDI-LEAD, UAG, Faculté des sciences économiques et juridiques de la Guadeloupe,
Pointe-à-Pitre 22, 23 et 24 novembre 2012.
Source : le MIR-Réparations
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire