Pour une Mauritanie juste, égalitaire et stable l'IMEJ pose une fois de plus la question de la cohabitation qui ne peut être résolue que par le règlement des grands problèmes que le pays a connus. Depuis le congrès d'Aleg en 1958, le clivage entre les communautés négro-mauritaniennes et arabo-berbères ne cesse de s’amplifier, minant ainsi l’unité nationale sans laquelle aucun développement durable n’est possible. Aussi, aujourd’hui plus que jamais, œuvrer pour une cohabitation juste et apaisée des différentes composantes nationales est pour la Mauritanie une nécessité vitale. Pour ce faire, l'IMEJ soumet la réflexion suivante à tous, décideurs politiques, opposition ou simple citoyen…
1-Pour un climat social et politique apaisé
Pour réaliser l'unité nationale, la Mauritanie doit sans doute résoudre la question du passif humanitaire qui n'a jamais été abordée de manière sérieuse par les régimes qui se sont succédés depuis Ould Taya ; Exception faite au régime de SIDIOCA.
Le retour de tous les déportés, leur insertion comme leur réintégration sont indispensables. Ces personnes déportées par leur propre Etat doivent recouvrer leur nationalité. C'est l'Etat mauritanien qui a déporté ses propres citoyens et c'est donc à lui d'endosser toute la responsabilité. Des centaines de militaires ont été arrêtés et emprisonnés dans des conditions inhumaines. Plus de cinq cents sont morts à la suite de tortures. A ce nombre funeste, il faut ajouter des milliers de morts civils ! Toute la vérité doit être établie concernant ces massacres odieux, une histoire officielle de ces douloureux événements doit être rédigée et enseignée à nos enfants pour que plus jamais de tels drames ne se reproduisent. Il n’y a pas de reconciliation possible sans la prévalence du devoir de mémoire et du devoir de justice.
2- Le partage des Pouvoirs et de l’Avoir
Depuis 1986, le fossé entre les communautés arabo-berbères et négro-mauritaniennes ne cesse de s'agrandir. Le pouvoir et les richesses du pays sont confisqués par la seule communauté arabo-berbère entraînant un déséquilibre immense. Pour un équilibre social et politique, les trois pouvoirs doivent être séparés et répartis de manière raisonnable. Cette mesure permettra d'abolir le système de quota que rien ne justifie et qui marginalise les Négro-mauritaniens (Haratines, Peuls, Soninké et Wolof). Le partage du pouvoir peuvent alors se faire selon les principes suivants.
2.1-Du pouvoir législatif
Un équilibre au sein de l'assemblée nationale, lieu de législation, un redécoupage électoral s'impose comme une extrême nécessité et doit se faire en fonction du seul critère démographique. Toute autre considération est contraire au principe du suffrage universel direct. En effet, la représentativité à l'Assemblée nationale et au sénat doit être proportionnelle au nombre d'habitants par localité. Malheureusement, là aussi, le système raciste au pouvoir a découpé les circonscriptions électorales de sorte que, même si dans une prise de conscience générale, les communautés noires opprimées votaient pour leurs candidats, elles ne seront même pas représentées à hauteur du tiers de l’Assemblée nationale. En effet, un coup d’œil sur les régions habitées par les populations arabo berbères montre qu’il faut seulement moins de 800 votants pour élire un député alors qu’il en faut presque 8000 pour élire un député dans les régions sud habitées par les populations noires (Guidimakha, Gorgol, Brakna, Trarza, Assaba) Ainsi, pour donner un exemple concret, le député de Bir Mgreine est élu avec 788 voix alors que chacun des députés du Guidimakha est élu avec au moin7800 voix, soit plus de 10 fois plus ! En termes simples, en Mauritanie, une voix arabe vaut 10 voix noires (Haratines, Peuls, Soninko et Wolofs). Comment, dans ces conditions, nier l’existence du racisme d’Etat en Mauritanie ? La situation est d’autant plus terrible que la plupart des leaders noirs se tait sur ce qui n’est pourtant, ni plus, ni moins qu’un « Apartheid démocratisé » !
2.2-Du pouvoir exécutif
En ce qui concerne le pouvoir exécutif, il doit être représentatif de toutes les communautés du pays. Ce pouvoir est incarné dans les fonctions régaliennes de président de la République et le premier ministre. Selon toute logique ces deux fonctions ne doivent être aucunement occupées par des citoyens issus d'une seule communauté nationale. Les expériences de l'IRAQ (où Chiites, Sunnites et kurdes se partagent le pouvoir exécutif), celui du Liban (où Chrétiens et Musulmans se partagent la présidence et la primature) sont entre autre des exemples pertinents d’exercice consensuelle du pouvoir. Ce type de partage du pouvoir est le seul à même de garantir la représentativité des masses populaires, gage de toute cohésion sociale et politique. Pour un impact véritable sur la gestion quotidienne, c’est surtout le pouvoir exécutif qui doit être partagé, car c’est lui qui met en œuvre les politiques. L’histoire récente de la Mauritanie a prouvé que mettre un Négro-africain à la tête du sénat et un Hratin à la tête de l’Assemblée nationale (une idée louable de SIDIOCA, l’ancien Président) n’a aucun impact sur l’abolition effective du racisme d’Etat et de l’esclavage, les deux fléaux qui frappent les Noirs de Mauritanie.
2.3- Du pouvoir judiciaire
Le corps de la magistrature est sans aucun doute responsable de la plus grande part de frustrations à caractère racial et/ou ethnique ressentie par les communautés noires du pays. Aujourd’hui encore, plusieurs milliers de Négro-mauritaniens préfèrent ruminer leurs peines que d’aller se présenter devant un juge de la république. En effet, ils sont presque tous persuadés de ne jamais obtenir gain de cause, surtout lorsque leur protagoniste est arabo-berbère ! Les nombreux cas de relaxes d’esclavagistes avérés ainsi que d’expropriations de biens de Négro-mauritaniens sont des exemples illustratifs du caractère raciste de l’appareil judiciaire.
Il est donc urgent que cet appareil subisse des réformes de fond allant dans le sens de le rendre plus représentative des couches populaires mauritaniennes et plus indépendante par rapport à l’exécutif.
3- Du déséquilibre économique
Le déséquilibre dans la répartition du pouvoir est certainement la cause efficiente du déséquilibre qui apparaît dans la répartition des richesses. Dans notre pays, une infime minorité (autour de 15%) détient plus de 90% des mânes financières. A ce niveau, une attention particulière doit être réservée aux esclaves et descendants d’anciens esclaves qui, malgré l’abolition sur les textes de cette pratique inhumaine, n’ont bénéficié d’aucune mesure économique d’accompagnement. Pour redresser ce tord qui n’a que trop duré, l’IMEJ préconise que l’Etat, par le biais d’une discrimination positive, finance des projets au profit exclusif de ces masses déshéritées.
4- Langues, cultures et éducation
Dans la constitution l'arabe, langue de l'une des composantes du pays est imposée comme langue officielle. Les autres langues dites langues nationales sont reléguées au second plan et particulièrement marginalisées dans les programmes des médias d’Etat. L'enseignement de ces langues à savoir le pulaar, le wolof et le soninké doit être reconnu comme un droit inaliénable de ces différentes communautés. Ces langues doivent être largement diffusées dans les médias et enseignées à l’école pour permettre aux enfants mauritaniens de s’approprier tout leur patrimoine linguistique et culturel sans exclusive. La tentative d’assimilation forcée des communautés négro-mauritaniennes est non seulement vouée à l’échec, mais, en plus, elle ne sert qu’à creuser davantage le fossé entre les différentes composante nationales.
L’exemple le plus frappant de cette ségrégation raciale se traduit par l’occultation dans les manuels d’histoire (au primaire, et au secondaire notamment) de tout ce qui a trait à la résistance noire contre la pénétration coloniale. Ainsi, l’histoire de la résistance d’Elhadj Omar Tall, de Fodyé Diaguili, d’Abdoul Bocar Kane, pour ne citer que ceux-là a été systématiquement gommée du programme d’histoire des enfants mauritaniens. La seule résistance qui leur est enseignée est la résistance arabo berbère. De sorte que l’élève négro-africain a le sentiment d’être un « bâtard » de l’Histoire de son pays. Car tout en sachant évidemment qu’il n’est pas arabe, il ne retrouve nulle part la moindre trace de ses origines historiques. Comme pendant la colonisation française, il n’a le choix qu’entre exister en tant que Mauritanien arabe (alors il doit s’assimiler en se reniant) ou être un étranger dont le père serait venu hier ou avant hier du Sénégal ou du Mali ; alors que la vraie histoire nous révèle bien que les premiers habitants de la Mauritanie ont été bel et bien des populations noires ! Franchement, le colonisateur français, en s’appuyant sur sa théorie de la « table rase » au nom de laquelle il justifiait sa domination, et en faisant chanter à nos pères et grands pères « nos ancêtres les gaulois » n’ont pas fait plus de mal que les autorités raciste de la Mauritanie contemporaine !
Que dire donc de cette volonté de tuer tout ce qui a trait à la culture négro-africaine sous le prétexte fallacieux que ce serait contraire à l’Islam ? Aujourd’hui, au Fouta Walo et au Guidimakha, il n’est plus possible de jouer du tam tam encore moins, danser! Les forces de police ne vous délivreront jamais une autorisation et si vous bravez l’interdiction vous devriez payer chère ou aller dormir au commissariat. Même nos veilles mamans n’ont plus le droit de chanter en amenant la jeune mariée à son domicile conjugal ! Tout le monde sait que la lutte traditionnelle qui, aujourd’hui est appelée « lutte sénégalaise » était plus pratiquée dans le Fouta mauritanien qu’ailleurs. Mais plutôt que de la promouvoir, les autorités mauritaniennes ont tout fait pour l’étouffer, même si les culturalistes d’ « Arrêt bus » (quartier de Nouakchott) font l’impossible pour maintenir cette flamme, pan essentiel de la culture négro-africaine de Mauritanie. Le sud de la Mauritanie est littéralement soumis à une colonisation arabe qui ne dit pas son nom.
4-Question foncière
Le problème des terres est l'un des dossiers les plus épineux en Mauritanie. Les populations négro-africaines de Mauritanie ont été spoliées avec la complicité de l'administration locale et la bénédiction des hautes autorités de l’Etat. Le long de la vallée, jusqu’au Guidimakha, des villages entiers sont déguerpis et rebaptisés. Le solde du passif humanitaire passe aussi par le rétablissement de l'histoire de ces villages. Ces populations doivent retrouver leurs terres ancestrales. Si dans le cadre d’une politique de développement de l’agriculture pour atteindre une autosuffisance alimentaire, l’Etat voudrait exploiter les terres de la vallée, il doit le faire en concertation avec les populations autochtones, historiquement propriétaires de ces terres. Aucune expropriation de quelque nature qu’elle soit, n’est acceptable et pourrait conduire à des conséquences redoutables.
Nous reconnaissons, toutefois, qu’une réforme foncière en concertation avec les propriétaires des terres est absolument nécessaire notamment pour permettre à une partie des populations haratines d’accéder à la propriété foncière. Cette réforme ne doit cependant pas concerner seulement les terres du sud, elle doit aussi s’exercer sur les oasis du nord.
Pour le Bureau exécutif
Son Président Ba Mamadou KalidouMai 2011
Source:www.flere.fr
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