Honoré
Balzac, écrivait qu’un : « Un
mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. La plus mauvaise transaction
est meilleure que le meilleur procès ». La justice est un principe,
suivant lequel on doit attribuer à chacun ce qui lui est dû, la vertu
correspondant à la volonté de chacun d’y parvenir. Mais cette institution
n’a pas le monopole de tous les contentieux, car la résolution de certains
conflits ne relève pas du tout du droit
positif, d’où l’intérêt de faire appel à la justice conciliatrice prévue par la
législation mauritanienne.
Cependant,
monsieur Mouhamoud Dicko dit HOYEMET ,
est un maure, pour ne pas dire un (haratin)
comme Ibrahima Ould Abeid. Mais ce terme haratin
ne veut rien dire au regard de sa définition ontologique. Monsieur Dicko, est
un citoyen mauritanien comme vous et moi, qui vit par la sueur de son front,
comme tout bon musulman de ce pays. Il est à la fois agro-pastoral,
c’est-à-dire un éleveur-agriculteur et boucher. Monsieur Dicko, a découvert le
village de Diogountouro vers les années 70, lorsqu’il avait 15 ans ; il
faisait le va et vient entre Gouraye,
Diogountouro, Khabou et les autres villages aux alentours de Diogountouro, en
étant un jeune mécanicien qualifié de Moto, vélo, moulin, entre autres. Vers
les années 80, Mouhamoud Dicko est venu s’installer à Diogountouro
définitivement avec toute sa famille (épouses, mères, enfants…). Il rendait service à tout le village (hommes et
femmes) par le biais de son métier et par sa qualité humaine et humaniste. Pendant,
les évènements de 89- 90, ce monsieur
prenait les armes pour aller combattre les ennemis qui venaient attaquer ou
voler les cheptels et les bovins du village, au péril de sa vie et la vie de
toute sa famille . Il est connu par tout le village du nom de HOYEMET SOURAKHE. Ces services rendus
étaient salués et applaudis par toute la communauté du village. Dicko est
devenu un ressortissant du village et un citoyen mauritanien, avec ses devoirs et ses droits vis-à-vis de ses
semblables mais aussi vis-à-vis de l’Etat. Son fils ainé, Boubou Dicko, après
ses études, il est devenu fonctionnaire
d’Etat (agent administratif).
En
effet, les faits se sont passés à Diogountouro, un gros village que j’ai l’habitude de dire une grande ville selon les normes
internationales. Il se situe au sud de
la Mauritanie, à la frontière entre le Mali et le Sénégal. C’est un carrefour entre ces trois pays. Un jour
après la fête de Ramdan 2017, un conflit foncier s’éclatait entre
le village et Mr Mouhamoud Dicko dit Hoyemet ; ce monsieur cultivait
un champ (terre cultivable) depuis plusieurs années, qu’il l’avait mis en
valeur, selon les dispositions du code foncier mauritanien et selon les hadiths
du droit musulman. Ce champ se trouve à 3 ou 4 kilomètres du village. Le
village voudrait le déposséder de son bien qu’il disposait depuis plusieurs
années au nom du droit coutumier. Après avoir saisi les autorités
administratives locales de la commune de khabou ; celles-ci demandaient
aux parties d’aller s’assoir et discuter entre eux afin de trouver une solution
amiable. Par ailleurs, quelques jours plus tard, le conflit s’est transformé un
contentieux, car le procureur et le juge d’instruction se sont saisis du litige.
Comme s’est prévu dans toutes les législations mauritaniennes, à tout le niveau
de la justice et de l’administration, la justice amiable est autorisée. Les
autorités administratives et judiciaires peuvent exhorter les parties en en
litige d’aller sursoir et trouver une
solution consensuelle. Et c’est ce que le Waly, le hakem, le procureur et le juge
d’instruction, avaient demandé aux litigants. La question que je me suis posée,
est de savoir si la méthode juridictionnelle est-elle toujours pertinente pour
une société déjà en crise de légitimité et de confiance ?
Malheureusement,
la réponse est non. Car, le procès
s’inscrit nécessairement dans une durée non maitrisée, soumise aux aléas des
comportements dilatoires, des incidents de procédure, de l’exercice des voies
de recours et, la décision enfin rendue, des difficultés de son exécution. De
ce point de vue, la recherche de perfection procédurale dans la mise en œuvre
des garanties nuit autant à la rapidité du procès qu’à la prévisibilité de son
issue. Lorsqu’un procès s’engage, on ne peut généralement pas prévoir quand il
s’achèvera. Le deuxième inconvénient du procès tient à l’incertitude de la
solution : incertitude quant à la date du prononcé, quant à son contenu et
quant à son exécution. Le procès prive les parties toute maitrise sur la
solution. Il est un engrenage dont les parties ne décident pas la progression,
qui laisse peu de place à l’interactivité et conduit à une solution imposée. La
justice décide radicalement qui a raison
et tort, distingue le gagnant du perdant.
Le
troisième inconvénient du procès, est celui du coût, non seulement le montant
mais aussi dans son imprévisibilité. Le coût final du procès dépend en général
des complications qui ne sont pas envisageables lorsqu’il est introduit. Sur ce
point, il faudrait que les gens sachent, qu’une fois que la machine judiciaire
est mise en route, cette machine est très couteuse en termes d’énergie humaine
et financière. Ces sommes colossales,
pour lesquelles les parties débloquent peuvent construire un collège pour les
enfants du village et venir en aide aux plus démunis et aux nécessiteux du
village. Il est temps qu’on arrête de faire des dépenses inutiles et grossières
pour des affaires auxquelles soit la communauté dispose d’elle-même la solution,
soit encore ce sont des affaires perdues d’avance au regard du droit.
Juridiquement, les textes sont clairs
sur la question foncière en Mauritanie. L’article premier de l’ordonnance
83-127 du 05 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale stipule
que : « La terre appartient à
la nation et tout Mauritanien, sans discrimination d’aucune sorte, peut, en se
conformant à la loi, en devenir propriétaire, pour partie » et l’article
3 du même ordonnance dispose que : « Le système de la tenure traditionnelle du sol est aboli ». Ainsi
l’article 2 du décret N° 2000-089 du 17 juillet 2000 abrogeant et remplaçant le
décret n° 90. 020 du 31 janvier 1990 portant application de l’ordonnance 83.
127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale,
prévoit que : « La mise en
valeur résulte de constructions, de plantations, de digues de retenues d’eau,
d’ouvrages hydro-agricoles ou de leurs traces évidentes ». Sur le plan
coutumier, l’Etat ne remet pas en question le système traditionnel dans
certains cas par exemple (le statut personnel de citoyens), mais en matière
foncière, les lois de la République priment sur le pouvoir coutumier. Le droit
musulman est aussi clair sur
l’attribution de la propriété foncière. L’ihyâ’ est l’action en vue de la mise
en valeur de la terre vacante et sans maître, dont personne ne tire bénéfice,
pour y faire émerger des moyens de vie entretenus tels que : constructions,
plantation d’arbres fruitiers, culture et irrigation. La mise en valeur donne
droit à appropriation à celui qui l’entreprend. Car le premier à accéder à un
bien licite a le droit de se l’approprier. Il est dit dans al-Bukhârî (recueil
de hadîth) : « Celui qui met en valeur
une terre morte acquiert priorité là-dessus ». Il est également dit dans
al-Tirmidhî et al-Nasâ’î (autres recueils de hadîth) : « Celui qui vivifie une terre morte en devient propriétaire. Et aucun
descendant d’oppresseur n’y a le moindre droit ». Dans la tradition
malikite, il est licite de vivifier les espaces éloignés des zones mises en
valeur. La référence en matière d’ihyâ’ est définie par la tradition locale et
ce qu’elle considère comme une action qui vaut mise en valeur pour le type de
terre considéré. Si on le destine à l’agriculture, par exemple, l’ihyâ’
consistera à préparer la terre à cette fin.
En revanche, certaines personnes dès
leur retour du village, avaient convoqué la communauté pour un «
soi-disant compte-rendu » de cette affaire. Nous disons à ces gens-là que
le dossier est vide chez le procureur et chez le juge d’instruction et qu’on dise
une fois pour toute la vérité sur ce dossier à toute la diaspora. La vérité,
elle est celle-ci : « les
autorités administratives et judiciaires, demandent aux parties d’aller en
conciliation/médiation, car le dossier est vide ». Il est temps et
grand temps d’informer à toute la diaspora du village, ce que le procureur et
le juge d’instruction vous ont dit dans leur bureau. Et qu’on arrête de
dilapider le bien d’autrui à des causes non légitimes. On ne peut plus tromper
tout le monde tout le temps et en même temps sur des affaires aussi sensibles.
Qu’est-ce que nous proposons aux parties
à la place du tribunal ? En tant que citoyen mauritanien et
doctorant-chercheur sur la résolution des conflits en Mauritanie, nous proposons aux parties en
litige de revenir sur les fondamentaux de la justice africaine que certains
chercheurs africains, tel que M. Bidima, appelle « la palabre. Une juridiction des paroles », les anglo-saxons appellent « Alternative Dispute Résolution » et
les français, le désignent « les
modes alternatifs de règlement des conflits », ce sont la
conciliation, la médiation et l’arbitrage, tous prévus par la justice mauritanienne (code foncier, code de statut
personnel, code civil, code du travail…). En quoi consiste la justice
alternative de règlement des litiges ? Il s’agit d’une justice rapide,
moins couteuse et soucieuse des relations humaines et amicale. Cette justice
prend en compte l’harmonie et le bien être sociétal. Cette justice alternative enseigne
aux parties l’empathie, cette faculté pour chacune d’elles de se mettre à la
place de l’autre et de percevoir les éléments psychologiques, affectifs,
économiques ou sociaux qui expliquent sa position. La justice conciliatrice est
prévue par les articles 21, 23 et 25 du décret N° 2000-089 du 17 juillet 2000
abrogeant et remplaçant le décret n° 90. 020 du 31 janvier 1990 portant
application de l’ordonnance 83. 127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière
et domaniale, instituent des commissions foncières nationales, régionales et
locales d’arbitrage qui permettent de
régler le litige amiablement.
En conclusion :
Allons-nous vers une solution amiable, car la justice négociée permet de
préserver les liens sociaux et nous dirige vers une pacification de nos
relations, telles ont été la préoccupation première de cette justice
alternative.
Cette forme de justice qui s’opposerait à la justice étatique par son caractère informel et son
attachement à
privilégier
une solution réparatrice.
Le droit met fin une question posée en termes
juridiques, mais il laisse souvent subsister une situation
conflictuelle ; la justice conciliatrice extirpe le conflit. /.
BA – Boubou
Doctorant-Chercheur en Droit à Paris
Militant de Droits humains
Membre de l’Association Française de l’histoire du Droit à Paris (AFHD)
Fondateur de l’Association Educative et
Culturelle de Jeunes Ressortissants de la Mauritanie en France (AECJRM)
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