LE REVE
REVOLUTIONNAIRE BURKINABE … TOUJOURS VIVANT
Le Burkina Faso
vient de connaître des élections présidentielles dont le caractère exemplaire
mérite d’être salué. Ces élections témoignent s’il en était besoin, de la
maturité et du patriotisme du peuple Burkinabè longtemps sevré de la veine démocratique
impulsée par l’idéologie révolutionnaire prônée par Thomas SANKARA.
Pendant vingt sept ans, avec l’aval
et le consentement de la France qui, comme cela est de coutume, drainait dans
son sillage quelques pays francophones d’Afrique de l’Ouest et de manière
opportune, la Lybie de Mouammar Khadafi, le Président du Faso, issu du coup
d’état du 15 Octobre 1987, M. Blaise COMPAORÉ a tenté d’imposer un nouveau
paysage politique au peuple Burkinabè.
Tant bien que mal, il s’est employé,
du moins artificiellement, à déconstruire la mémoire de Thomas SANKARA dont la
figure emblématique était le modèle à suivre pour une large frange de la
jeunesse africaine subsaharienne.
C’est au demeurant ce qui justifie
vingt sept ans plus tôt, que de nombreux africains de tous bords aient vécu
dans la douleur, l’émoi et l’exaspération, l’annonce le 15 Octobre 1987, de
l’assassinat du Président du Faso, le capitaine Thomas SANKARA.
« Les héros ne meurent
jamais » affirme-t-on parfois de manière dilettante, sans trop y
croire ; tant l’actualité envahissante, pressante et fugace concourt à
l’anesthésie de la pensée et à la dérision de toute action. Toutefois,
l’oppression fulgurante des médias en imposant l’instant, est-elle parvenue à
tuer « le temps du souvenir » ?
Le souvenir du crime odieux perpétré
il y a vingt sept ans brisait de facto le rêve d’une génération croissante
d’africains épris de liberté et acquis à l’idée que de nouveaux horizons
étaient possibles. L’assassinat de l’icône de la révolution démocratique
burkinabè hante vingt sept ans après l’esprit, la mémoire et l’imaginaire tant
de ceux qui ont connu le capitaine Président du Faso, que de ceux qui ont
découvert la pertinence de son idéologie, la clarté de sa vision et la noblesse
de ses visées révolutionnaires.
Le jeune capitaine, Président du
Faso, Thomas SANKARA nourrissait un grand dessein pour l’Afrique et le Burkina
Faso lui servait de « Laboratoire d’expérimentation ». Peut-on
lui reprocher l’impétuosité de la Jeunesse ? Admettons-le. Reconnaissons-lui
cependant, une manière de générosité dans l’effort, un courage hors norme, une
sagacité qui avait pour socle « la pensée et l’action
révolutionnaires ». Sa capacité de mobilisation des forces vives du Faso,
lorsque venait le moment de passer des concepts à leur application, résidait dans une démarche unique et
probablement inégalée d’autocrédibilisation du discours révolutionnaire,
démocratique et populaire, mis à la portée du plus grand nombre, grâce à son
étincelante clarté pédagogique.
Saint-Exupéry ne relevait-il pas
fort à propos : « La vérité c’est ce qui simplifie ». Là est, nous
semble-t-il, la clé qui ouvrait au capitaine, Président du Faso, la porte des
cœurs de ses concitoyens Burkinabès et bien au-delà, faisait sauter les verrous
arrimés aux « chaînes de
l’esclavage mental et comportemental » auquel l’Occident continue de
soumettre les pays africains.
Comme partout en Afrique où l’ordre
colonial est indexé, dénoncé, secoué « aux fondations » ou ébranlé « aux fondements », des
forces tapies à l’ombre se lèvent au mieux pour déclarer « la guerre aux mouvances nationalistes et patriotiques »,
au pire, pour participer activement à leur « mise à mort ». Les
métamorphoses subtiles du « Code noir » dont l’esclavage et la traite
négrière constituent les invariants métaphoriques, se sont affinés au fil des siècles à travers la
colonisation, le néocolonialisme, les économies de rentes africaines, les
pseudo-démocraties, « le tonneau des
danaïdes » de la dette des pays africains, les simulacres de l’aide au
développement, l’épouvantail du syndrome sécuritaire.
L’ordre, entendez « celui de la défaite », se
devait d’être restauré. Il le fut le 15 octobre 1987, par l’assassinat de
Thomas SANKARA.
Est-il, pour autant, possible
d’affirmer, de conjecturer ou de préjuger aujourd’hui que le Peuple Burkinabè ne s’est pas approprié
les enseignements révolutionnaires tout comme la vision de son leader ?
Au cours des années 2014, 2015 et en
ce début d’année 2016, les Burkinabès n’ont-il pas su apporter la preuve qu’au
« pays des Hommes intègres », il existe un creuset de valeurs
morales, civiles et patriotiques auxquelles il reste viscéralement
attaché ?
Certes, vingt sept ans durant, les
Burkinabès se sont complu ou résigné à la « Rectification de la Révolution
(Démocratique et Populaire) sous l’égide du Président du Faso, M. Blaise COMPAORÉ
dont il convient de rappeler qu’il fut le frère d’armes et compagnon de lutte de
premier rang du « Cercle restreint » du capitaine Thomas SANKARA.
Vingt sept ans au cours desquels, troquant l’uniforme de l’armée pour le
costume occidental, le Président du Faso, issu du coup d’état du 15 octobre
1987, M. Blaise COMPAORÉ, encouragé et soutenu par les institutions
internationales, éperonné par la France, adoubé par quelques uns de ses Pairs
Ouest-africains, s’est ingénié à implémenter un « nouveau paysage
politique » tout en s’efforçant « d’aseptiser le discours
révolutionnaire de Thomas SANKARA ».
La tâche ardue
de déconstruction de la mémoire de son prédécesseur à la Présidence du
Faso a-t-elle été conduite à son
terme ?
Rien n’est
moins sûr. Car, vingt sept ans ont paradoxalement contribué à densifier
l’intérêt accordé à la disparition brutale d’une figure révolutionnaire dont la
popularité au sein de la jeunesse du continent inquiétait les dirigeants des
pays voisins, horripilait les thuriféraires de « la françafrique »
qui veillent à ce que les régimes africains demeurent sous « coupe
réglée ».
Devenu
incontournable mais surtout incontrôlable du fait d’une popularité assise sur
l’analyse politique lucide de la situation internationale, le jeune capitaine,
Président du Faso jusqu’au 15 Octobre 1987, date fatidique de son assassinat,
demeure par sa probité, son intégrité et sa clairvoyance un legs politique dont
la dimension sacrificielle accroît au fil des ans l’impérieuse nécessité que
les Burkinabès soient éclairés sur les circonstances de la mort de leur Leader.
L’une des constantes
anthropologiques, culturelles et même cultuelles veut qu’en Afrique, lorsque
disparaît un de ses fils, notamment des plus dignes, l’éclairage sur les causes
véritables de « son départ » se doit d’être révélé afin que nul n’en ignore et que rassérénées,
les familles puissent faire le deuil. Dans le cas d’espèce, le capitaine,
Président du Faso, Thomas SANKARA est un digne fils du Burkina Faso, que la
vision africaine considère comme sa famille. Son assassinat est en ce sens un
fratricide en ce qu’il a été perpétré par « ses frères ». Au sein de
la quinzaine de personnes qui constituaient « le commando » ayant assiégé le Pavillon « Haute-Volta »
du Conseil de l’Entente où se tenait une fois par semaine, le Secrétariat de la
Présidence du Conseil National de la Révolution (CNR), se trouvaient
indubitablement des Burkinabès. De nombreux témoignages recoupés le confirment.
Pendant vingt sept ans, le cauchemar
de « la classe politique post-Sankara » aura été
« l’ormeta » imposée aux revendications visant que la lumière soit
faite sur l’assassinat de leur Leader.
Or, bien que déclinée au présent,
l’actualité épouse d’une certaine manière l’histoire en ce qu’elle parvient
quelques fois à scénariser le passé pour ramener au « goût du jour »
les évènements que l’on a maintenu « sous la chape de plomb du
silence ».
LA GERMINATION
SOUS LE BOISSEAU DE LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE BURKINABE
Le soulèvement populaire qui a
contraint le Président Blaise COMPAORÉ à démissionner et à s’astreindre à
l’exil, a dans le même temps rappeler au souvenir du Peuple Burkinabè, sinon
l’urgence, du moins la nécessité que ceux qui ont ôté la vie au capitaine
Thomas SANKARA, alors Président du Faso, soient jugés et répondent de leur
forfait comme de l’exécution de la douzaine de personnes dont BOUBAKARI KABORE
dit « le lion du Burkiemde » affirme, dans une interview-accordée à
« Courrier confidentiel » au lendemain de la marche de Juin 2014
contre la création du SENAT : « Je sais que ce sont les prisonniers
de la MACO qu’ils ont envoyés enterrer SANKARA et les douze autres personnes
tuées. Les enterrements ont eu lieu de 21h à l’aube. Ce n’est pas facile de
creuser treize tombes ».
Les évènements troublants qui ont
ébranlé la fin de la transition Burkinabè, notamment le coup d’Etat du régiment
de la sécurité présidentielle, corps d’élite au Burkina-Faso et garde
prétorienne de M. Blaise COMPAORÉ, sont autant d’exactions ayant prescrit aux
Burkinabès « le devoir de révolte ». Le potentiel insurrectionnel du
peuple Burkinabè s’est une nouvelle fois manifesté à l’encontre « des
fauteurs de trouble » et autres « nostalgiques de l’ère COMPAORÉ ».
Le peuple est descendu, les mains
nues dans la rue pour exprimer sa désapprobation et réclamer de vive voix le
rétablissement de la transition qui avait en charge, l’organisation des
élections libres et démocratiques au Burkina Faso. Avec bravoure et
patriotisme, les Burkinabès ont démontré aux yeux du monde leur attachement à
la légalité ainsi que leur ardente volonté de changement. L’armée loyaliste est
venue mettre un terme à « l’imposture ».
La médiation sénégalaise qui tentait
de ménager « la chèvre et le chou » à tort ou à raison, a été conspuée.
Elle a cependant permis de faire espérer au Général Gilbert DIENDÉRÉ et aux
putschistes qu’ils seraient débarrassés de poursuites judiciaires, alors qu’à l’occasion de leur « coup de
force », ils ont attenté à la vie des manifestants semant à nouveau la
mort, l’effroi et la confusion. Une fois de plus, le Peuple Burkinabè a fait
sienne l’apophthegme révolutionnaire Sankariste : « La patrie ou la
mort, nous vaincrons ».
Vingt-sept ans après la mort de
Thomas SANKARA, vingt sept ans durant lesquels Blaise COMPAORÉ a présidé
« d’une main de fer » aux destinées du Burkina Faso, vingt sept ans
au cours desquels les Burkinabés ont été muselés, bâillonnés, vingt sept ans
n’ont donc pas suffi à effacer de la conscience collective Burkinabé, la
mémoire de Thomas SANKARA, encore moins à anéantir l’élan insurrectionnel du
Peuple Burkinabé.
« le grain
semé de la révolution démocratique et populaire a germé sous le boisseau ».
Le peuple a conservé vingt sept ans durant, sa fierté et sa dignité dans
l’adversité. Il rend de ce fait, un hommage mérité à la mémoire de Thomas
SANKARA, pour lequel il réclame aujourd’hui que la lumière soit faite sur les
circonstances de son assassinat ainsi que sur l’exécution de ceux des membres
les plus influents qui ont cru sous le régime de M. Blaise COMPAORÉ que la
révolution allait continuer.
De lourdes présomptions de
culpabilité pèsent sur l’ex-Président Blaise COMPAORÉ ainsi que sur son Chef
d’Etat Major particulier, Gilbert DIENDÉRÉ, décoré de la légion d’honneur en
mai 2008 par le Président Français de lors, Nicolas SARKOZY.
Vingt sept ans
durant, les dirigeants du Burkina Faso ont réduit au silence toute velléité
d’instruction d’un procès qui, à bien des égards, eût pu déclencher la
résurgence des rancœurs, des ressentiments voire, accabler M. Blaise COMPAORÉ
et sa garde rapprochée d’une kyrielle de torts dont ils sont loin d’être
exempts.
« Qui ne dit mot consent »
a-t-on coutume en pareilles circonstances d’entendre. Le « mutisme
assourdissant » adopté par la classe dirigeante Burkinabé au sujet de
l’assassinat de Thomas SANKARA en dépit des pressions intérieures et
extérieures réclamant justice, pourrait s’apparenter à « un aveu de
culpabilité ».
Maintenant que le Peuple Burkinabè
s’est opposé à la révision de la Constitution qui eut permis au Président
Blaise COMPAORÉ de candidater à une nouvelle mandature présidentielle ;
maintenant qu’il a contraint ce dernier, par une mobilisation de grande
envergure à se démettre de ses fonctions et à se résoudre à l’exil, maintenant
qu’il s’est refusé à ce que des voix discordantes biaisent ou pervertissent
« sa révolution », rattrapant le calendrier des élections
législatives et présidentielles auparavant mises en péril ; voici venu le
temps que justice soit rendue, afin que l’Histoire retienne et que le Peuple se
souvienne.
Le devoir de mémoire commande en
effet, que la vérité éclaire d’un jour nouveau les circonstances de
l’assassinat de Thomas SANKARA, tout comme il prescrit que soit levé un pan de
voile sur l’histoire politique du Faso que l’un de ses prodigieux fils a tenté
d’écrire en même temps que « ses bourreaux » d’il y a vingt-sept ans.
Faut-il rappeler au souvenir la
phrase sibylline prononcée par M. Blaise COMPAORÉ, vingt sept ans plus tôt,
lorsque sa responsabilité sur l’assassinat de « son frère d’armes »,
Thomas SANKARA, était invoquée :
« C’était
lui ou moi » ?
Thomas SANKARA ne voulait pas de la
mort de « ceux de son cercle » qui se destinaient à attenter à sa
vie. Le Capitaine Boukari KABORE, commandant du Bataillon d’Intervention Aéroporté
(BIA) de Koudougou, sous la révolution est formel. Il affirme en avoir discuté
avec le Président du Faso (PF) de son vivant. Thomas SANKARA soutenait en
substance ceci : « les termes sont clairs : si nous arrêtions
ceux qui voulaient réaliser le forfait, ce serait mal interprété. On dira que
ce sont les leaders de la révolution eux-mêmes qui sont en train de tuer la
révolution. Ce serait vraiment un très mauvais exemple ». Il
renchérissait, un peu pour montrer sa claire détermination à l’opposé de la
phrase sibylline de son numéro deux, devenu président, après le violent
assassinat du leader :
« laisse-les
nous tuer ; les gens parleront de nous demain ».
LA FALSIFICATION
DE L’ADN DE L’EMANCIPATION DES PEUPLES AFRICAINS : UNE PREOCCUPATION
CONSTANTE DE L’OCCIDENT
A la question de savoir si Thomas
SANKARA se serait débarrassé de M. Blaise COMPAORÉ au soir du 15 Octobre 1987 à
20 heures comme certaines thèses, y compris celle du désormais ex-Président,
l’ont laissé penser pendant vingt sept ans, la réponse milite pour la négative.
Non, il n’en
avait ni l’intention, ni la conviction. Cependant, des zones d’ombre demeurent
qui méritent d’être dissipées.
Le
peuple Burkinabé dont le patriotisme, la vigilance et la maturité
politique se sont révélés au grand jour, a le devoir de se réconcilier avec son
histoire politique pour mieux se l’approprier et tracer la voie qu’arpenteront
les peuples pour une Afrique qui grâce à la vérité et la justice, sait aussi
accorder son pardon à ses fils.
Tel est en filigrane le point focal
de ce qu’il me semble utile de dire aux Burkinabès.
Procédons avec votre permission à un
exercice consistant à remonter avec délicatesse et prudence, le cours de
l’histoire, pour tenter d’esquisser, et peut-être dépoussiérer ce qui, par bien
des aspects, serait « la genèse du rêve révolutionnaire brisé de la
jeunesse africaine ». Un rêve porté par un leader charismatique qui
« dérangeait », « embarrassait » au point
d’« excéder » l’oligarchie gardienne des intérêts oligopolistiques de
la France en Afrique. Admettons pour cela une série d’hypothèses qui cristalliseraient
l’idée que « la politique est d’une tragique cruauté », qu’elle est
dépourvue de la morale universelle déclamée par les âmes bien-pensantes du
monde civilisé, qu’elle pratique « l’assassinat politique » tout en
stigmatisant au nom des droits de l’Homme, le crime politique, elle légitime
les criminels politiques sous le prétexte qu’ils libèrent les peuples d’un péril visible à leurs seuls
yeux.
Souvenons nous pour cela que nos
hypothèses pourraient relever d’un scénario de science-fiction, mais qu’elles
ont leur ancrage dans le dessein tragique auquel l’occident destine l’Afrique.
Elles se déclinent comme suit :
Si par une manière d’ironie dont
seuls l’histoire et le destin détiennent le secret, les évènements avaient été
savamment orchestrés pour interrompre brutalement, tant la révolution prônée
par Thomas SANKARA que le cours de l’existence de tous les lieutenants de son
cercle rapproché, et, qu’une partie de ce cercle avait conçu le dessein de
« ne pas disparaître au nom de la révolution » et à ce titre, s’est
chargée d’accomplir « la douloureuse et ingrate besogne » d’ôter la
vie à « son leader en même temps qu’à celle de ses « lieutenants »
les plus irascibles » ;
Si « cette douloureuse et
ingrate tâche » avait été commanditée par ceux qui ne s’accommodaient plus
des idées que claironnait sous la révolution, le jeune capitaine Président du
Faso et que, poussée à ses derniers retranchements, « cette partie
dissidente du Cercle » ait été contrainte à l’épineux choix, soit de
mettre un terme à l’effet d’entrainement que suscitait le discours véhément de
Thomas SANKARA, lequel semait dans les sillons de la pensée et de l’action des
peuples africains les graines de la colère, de la révolte et de l’émancipation,
soit alors « crever » avec lui,
en même temps que son idéologie insurrectionnelle ;
Si les Institutions Financières
Internationales avaient inélégamment été mises en index dans « la
construction du discours sankariste » qui vouait aux gémonies les intérêts
occidentaux généralement préservés par les Etats Africains, il est fort à
envisager dans un tel contexte, que des voix de tous bords, outrancièrement
remontées, se soient élevées pour exiger que soit exhumée la semence dont la
germination au sein de la jeunesse africaine subsaharienne enracinait
progressivement le discours idéologique du capitaine, Président du Faso.
S’il était
permis de supputer la répétition de l’histoire, pour légitimer les hypothèses
émises plus haut. Lesquelles ont par le passé prospéré, sous l’incitation, l’action
et l’appui des anciennes « puissances impérialistes » qui veillaient
de ce fait, au maintien du « statut quo ante » et à la permanence de
la soumission de leurs anciennes colonies, au quel cas, il ne serait pas
absurde d’admettre à nouveau que « l’oligarchie occidentale qui tire les
ficelles du monde » ait pu tout mettre en œuvre, afin que « l’ADN de
l’émancipation légitime des peuples africains, soit contrarié, contrefait,
contredit, défait à travers la disparition d’une icône de la jeunesse africaine ».
Et si ceux-là mêmes qui n’ont aucun
intérêt à ce que l’Afrique puisse « changer le logiciel de la défaite
infligée historiquement » par un savant travestissement de la dignité des
hommes noirs, veillent au maintien dans l’inconscient collectif de la fatalité
de l’histoire ; si ces « apories idéologiques » d’un âge
d’autant plus révolu qu’elles font aujourd’hui figure de préceptes
civilisationnels éculés mais prompts à asseoir auprès des Chefs d’Etat
africains qui conduisent le dessein des peuples et le destin des nations
africaines, le sentiment et la conviction que « rien n’est possible sans
les anciens maîtres » qui, dans le cas d’espèce, ne furent et demeurent
que « des prédateurs », alors, il pourrait être trouvé une
explication « à l’assassinat historique » de la dignité noire que
pérennise l’occident dans la conscience collective africaine.
Si, pour
l’heure, il était une fois de plus question au-delà d’instruire un procès
visant l’éclairage sur l’assassinat de Thomas SANKARA, de « renier le
caractère exemplaire du sursaut démocratique » des Burkinabés en
« détricotant » à l’aide des
subterfuges « de la terreur», le socle encore fragile du nouveau
gouvernement mis en place par Roch Marc Christian KABORÉ, président
démocratiquement élu de la République du Burkina Faso ; alors quelques
questions surgiraient au premier rang desquelles ;
Qui a intérêt à ce que le Peuple
Burkinabé ne se réconcilie pas avec son histoire récente pour mieux la
capitaliser ? La réponse coule de source : « Ceux qui se sont
jurés à l’ombre des pseudo-démocraties africaines de n’en faire que des proto-démocraties ».
L’occident
a-t-elle besoin de véritables démocraties en Afrique ? Non.
A l’heure des
turbulences accidentelles ou provoquées, Pourquoi veille-t-on à ôter aux
peuples africains dont l’hospitalité, la tolérance, l’endurance, la résilience
ont traversé le temps, l’aptitude qu’ils sont aussi capables de pardon, de
réconciliation des cœurs et des esprits ?
N’est-ce pas poursuivre, dans une
telle optique de refus, l’entreprise de sécularisation « du mensonge
historique » tenace qui veut que rien de digne ne peut émaner et perdurer
au sein de la race noire ?
S’il peut être jugé
« trivial » de ramener le débat à la question raciale, c’est bien
parce que le monde global actuel semble incapable de se départir de
« l’unipolarisation de la parole et de la pensée blanches ».
Sinon, comment expliquer qu’après l’inculpation du Général DIENDÉRÉ « des
forces de l’ombre » puissent par
des attentats terroristes, tenter de soumettre le Burkina Faso en plein cœur de
sa capitale Ouagadougou à l’insécurité, à la frayeur et à la perte de ses fils ?
LE MODELE REVOLUTIONNAIRE BURKINABE : UN
HERITAGE A CONSOLIDER…
Notre humble
avis est qu’il convient de ne pas être distrait et parachever le processus
d’exemplarité de la nouvelle démocratie Burkinabè. Comment ?
Tout simplement
en recontextualisant le processus démocratique Burkinabè dans la linéarité
historique du sort réservé aux peuples africains qui ont vu leur rêve
d’émancipation brisé et leur espoir de libération assassiné par les réseaux
occidentaux ainsi que l’instrumentalisation par ces mêmes réseaux, des fils de
l’Afrique astreints à devenir gardiens des intérêts occidentaux au détriment du
bien-être et de la prospérité de leur peuple. Cette recontextualisation doit
marquer un temps d’arrêt sur un questionnement qui nous a traversé l’esprit et
qui se résume partiellement à l’idée que si d’aventure, les présumés coupables
de l’assassinat de Thomas SANKARA pour lequel le peuple crie
« Justice », avaient historiquement épargné au Peuple Burkinabé par
la mort de Thomas SANKARA, le carnage, les affres de l’ingouvernabilité et de
la misère destinés à le punir de l’affront causé par la remise en question des
intérêts occidentaux, alors ce serait probablement ouvert le cycle infernal de
la décadence et de la dégénérescence du Burkina Faso.
Cette « hypothèse
catastrophe » mérite d’être examinée ou prise en considération lorsqu’on
sait, de récente mémoire, le sort réservé à la Guinée de Sékou TOURE suite au
Non infligé au Général de Gaule en 1958 … Les nationalistes africains, les
idéologues d’une Afrique libre, les Panafricanistes de tous bords et à toutes
les époques ont toujours été ainsi que leur tête de proue, des cibles à
abattre.
Encore une
hypothèse qui légitime « le logiciel de la défaite », me diriez-vous.
Admettons. Convenons tout de même qu’elle ne justifie en aucun cas la violence
inouïe et l’indécence contraires aux mœurs de l’Afrique profonde, avec
lesquelles les fils de l’Afrique ont pu mettre un terme à la vie de leur frère
et leader admiré, jalousé peut-être pour
sa popularité, trop intègre et trop sobre, à leur grand regret.
L’INTEGRITE, LA
SOBRIETE, L’HONNETETE ET LA SINCERITE SERAIENT-ELLES INCOMPATIBLES A LA
POLITIQUE ?
Pourquoi seuls ceux qui trahissent leur
peuple, pratiquent le mensonge, pillent à tout vent, spolient les pauvres, bâillonnent
leur presse, pour s’offrir servilement à l’occident et assurer ses intérêts,
sont « blanchis », célébrés, légitimés par « le même
maître » qui leur donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre, le tout
dans le dos du peuple opprimé, et au besoin, brutalement mis à l’écart ?
La question est assurément
rhétorique puisqu’elle contient in fine sa réponse.
Nous sommes enclin et même conforté
à penser que le Peuple Burkinabé est aujourd’hui en mesure d’instruire un
procès exemplaire au cours duquel la vérité prévaudra sur « le mensonge
occidental » et les manipulations de tous ordres. Il faut pour cela qu’il
soit débarrassé des passions, des ressentiments, de l’esprit de vindicte que
l’occident dans des circonstances identiques, sait susciter.
La littérature
du siècle antérieur de même que celle de ce début de 21ème siècle,
regorgent à foison d’exemples de « Présidents africains d’opérette
marionettisés par l’occident » pour servir ses intérêts pendant quelques
décennies et, le temps d’après, vouer ceux-là mêmes qu’il adulait, « à la
vindicte populaire ».
L’Afrique doit dire non à
« cette instrumentalisation éhontée de ses fils », non, à leur
condamnation sans appel ni recours, non à leur exil qui prive l’Afrique à la
fois de « leur part de vérité » et de « leur devoir de
« battre leur coulpe », et recevoir de leur peuple le
« pardon ».
On n’est pas politicien impunément.
Tout politicien est confronté à la cruauté de sa fonction, à la nécessité au
détriment de la morale, au pragmatisme au détriment d’un quelconque angélisme,
ou d’un idéalisme apparenté à la faiblesse.
Le peuple Burkinabé n’est pas dupe.
Il n’ignore pas que les minerais de son sous-sol au premier rang desquels,
l’or, générerait, selon les évaluations faites par le régime de M. Blaise COMPAORÉ,
700 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires. Il n’ignore pas que ces
minerais constituent l’enjeu majeur qui guide les intérêts de la France au
Burkina Faso.
Il sait pertinemment que ce
sous-sol, pendant vingt sept ans, n’a contribué qu’à enrichir « l’élite
kleptocrate » du Faso, « la bourgeoisie administrative
disetteuse », aux rênes de l’appareil d’Etat du Burkina, à accroître les
privilèges exorbitants de « la féodalité Burkinabè », « à
alimenter le trésor de la France et de ses
multinationales prédatrices » ; à tolérer le pillage des
richesses du pays par le Président du Faso et son entourage familial.
Toutes choses qui sous la révolution
de Thomas SANKARA eurent été impensables, en tout cas, rendues impossibles.
Dans sa clairvoyance, le Jeune Capitaine, Président du Faso, avait privilégié
dès 1983, « la bataille agricole pour la sécurité et l’autosuffisance
alimentaire, comme la priorité des priorités dans le programme de développement
burkinabè ». Il confiait à ce sujet au cours d’une interview accordée au
Journal « El-Moudjahid » le 12 mars 1985 :
« Nous
avons, en matière d’agriculture, trois stades à atteindre : la sécurité alimentaire,
l’autosuffisance alimentaire et enfin la puissance alimentaire. Au premier
stade, il s’agit de faire en sorte que chaque Burkinabé puisse avoir quelque
chose à manger, quelle que soit l’origine de cette production alimentaire. Nous
avons invité nos compatriotes à cultiver des champs et à réaliser des magasins
pour stocker leur production céréalière, ce que nous appelons ici des banques
céréalières. Concernant l’autosuffisance alimentaire, nous sommes en train de
retenir le maximum d’eau de ce pays. Tout ce qui tombe comme goutte d’eau au
Burkina est recueilli pour être utilisé. L’eau est précieuse, plus précieuse
ici qu’ailleurs, c’est pourquoi nous avons lancé la construction de 250 petits
barrages. Ces retenues d’eau sont sans prétention en comparaison de ce qui se
fait ailleurs comme barrages. Les paysans, mains nues font des excavations,
amènent de la terre des cailloux pour retenir l’eau pluviale qui peut servir
trois à cinq mois dans l’année. Pour les grands projets nationaux d’aménagement
de terres, tels ceux du Sourou, du Kompienga, Bagri, nous essayons de valoriser
des surfaces cultivables autour des grandes retenues d’eau.
Pour la troisième étape relative à
la puissance alimentaire, définie dans
notre plan, quinquennal, nous comptons développer la production d’engrais de
manière à régénérer nos terres, en vue d’en assurer un objectif : subvenir
à nos bassins, faire fonctionner nos petites industries de transformation et
exporter nos produits. Faire de la purée
et du concentré de tomate, réaliser des jus de fruits et conserver les haricots
verts. Tout cela exige que nous puissions produire suffisamment pour justifier
l’installation d’unités
industrielles ».
Ce long passage est à lui-seul
édifiant de la formule itérative scandée
par le Président du Faso sous la révolution : « compter sur
nous-mêmes ». Formule libératrice, formule incitative de toute action
pragmatique assise sur l’appropriation des moyens existants, et l’efficacité
vérifiable des résultats. Formule
progressiste dont « l’effet de halo » a été salvateur, à l’occasion
de divers chantiers ouverts sous la révolution, de divers projets conduits sous
l’égide des Comités de Défense de la Révolution (CDR), de nombreuses
initiatives ayant mobilisé dans la ferveur, les populations burkinabés.
Qui pouvait dès lors présumer que la
libération du peuple Burkinabé serait hypothéquée par les privilèges de la
féodalité confisquant les terres, une fois qu’elles ont été régénérées par les
paysans ; que cette libération serait remise en cause par la fronde
ouverte de l’intelligentsia, « petite bourgeoisie, jalouse de son
bien-être privé », qu’elle serait contestée par la bourgeoisie
bureaucratique, corrompue et vénale ? Le duo du quatuor à la tête de
l’Armée Burkinabè et qui fera défection, sera lui-même partagé entre les idéaux
lointains et exigeants de la révolution et la jouissance immédiate de la rente
du pouvoir. Pourtant, aux yeux de Thomas SANKARA, l’armée avait besoin à sa
tête d’une conscientisation révolutionnaire plus accrue, inspirée de sa propre
« austérité ».
Les guerres suscitées aux frontières
du Mali, sous le Président Moussa Traoré, les malentendus orchestrés entre le
Président du Faso et le Général Jerry Rawlings, la brouille devenue
acrimonieuse entre le leader incontesté de « la Françafrique » en
Afrique de l’Ouest, le Président de la Côte d’Ivoire de lors, Houphouët
Boigny, la désaffection provoquée auprès des voisins Ouest Africains, tels
Lansana Conté de la Guinée Conakry et
Abdou Diouf du Sénégal qui voyaient d’un
mauvais œil, les jugements et condamnations de leurs compatriotes rendus
coupables de malversations financières et détournements par les Tribunaux
Populaires de la Révolution (TPR), sont autant de faits, actions et manœuvres
visant à ébranler la révolution, à la briser, ou à la retourner contre son
instigateur.
Chaque fois, le peuple Burkinabè en
qui Thomas SANKARA avait mis toute sa confiance et qu’il avait promis de
libérer, s’est spontanément mobilisé en première ligne pour défendre la Révolution
et éviter que s’étende le péril.
Le 05 juillet 1987, soit trois mois et dix jours
avant sa mort, l’opiniâtreté, la foi de Sankara tout comme sa lucidité sont
intactes, lorsque répondant à la question d’Ivoire dimanche venu sans doute
s’enquérir de l’effet et de l’affect qu’ont pu avoir sur le Président du Faso, « les
coups et l’ire de l’hydre impérialiste déchaîné » pour lui faire mordre la
poussière : « Peut-on vraiment être révolutionnaire dans un pays
aussi pauvre que le votre ? » « Oui » dira Thomas SANKARA « surtout
dans un pays aussi pauvre que le mien ». Renchérira-t-il.
Et à la question : « … la
Révolution dans les pays pauvres, notamment africains, sera alimentaire ou elle
ne sera pas.
Qu’en
pensez-vous ? »
Sans coup férir
le Président du Faso, sous la révolution aura cette réponse :
« Ce sont
des visions sentimentalistes de la Révolution. La Révolution n’est pas
qu’alimentaire. Car, qu’est-ce que l’aliment ? C’est le produit d’un
travail. Nous n’arrivons pas à produire suffisamment pour nous nourrir parce
que nos terres, de plus en plus pauvres, n’arrivent pas à être régénérées et
parce que nous ne sommes pas bien organisés. Pour bien nous organiser, nous
devons lutter contre les règles qui régissent la terre aujourd’hui, nous devons
briser le carcan des méthodes archaïques pour acquérir la bonne technologie et
toutes les méthodes modernes. Regardez le coton chez nous, le café et le cacao
chez vous (en côte d’ivoire) : des milliards ont été consacrés à l’étude
de ces produits parce qu’ils sont exportés. En revanche, la banane, le manioc
et le riz n’ont jamais fait l’objet d’autant d’attention, parce qu’ils
n’intéressent pas les autres.
Est-ce que le producteur ivoirien de
maïs est aussi assuré d’écouler son produit que le sont les éleveurs hollandais
de vaches ou les producteurs français de
blé ? Donc, que l’on
commence la Révolution par le côté alimentaire ou par autre chose… l’essentiel
est qu’il faut poser les problèmes des rapports entre les éléments de la
Société. A qui profite telle ou telle politique… ? »
Pourquoi nous attardons nous sur ce
qui, par bien des aspects, pourrait paraître superfétatoire et peu révélateur
de l’ensemble de la vision, tout comme de la profondeur de la visée de la
Révolution burkinabé ?
La raison du
choix de ces quelques « morceaux d’architecture » de la Révolution
burkinabé tient à l’intuition quasi-prophétique de Thomas SANKARA quant au rôle
primordial que l’agro-alimentaire pourrait jouer dans la libération des peuples
africains si, mieux organisés, soucieux de produire suffisamment pour se
nourrir, pour transformer, pour exporter, ces peuples devenaient « le
grenier du Monde », du fait de la disponibilité des terres, de la volonté
politique, de l’investissement des moyens humains, techniques et financier dans
l’agriculture
Nous nous attardons sur cet aspect
spécifique parce que le potentiel existe. Restent les politiques agraires,
restent les politiques agricoles, reste la volonté concertée des peuples
africains guidés en cela par leurs leaders qui définiraient par strates
successives, les objectifs quantitatifs et qualitatifs mesurables et les moyens
de tous ordres à investir pour les atteindre. L’agro-industrie au service d’une
alimentation saine et dépourvue de toute manipulation génétique et de tout
intrant chimique, est à la portée de l’Afrique qui doit se nourrir, se protéger
du « poison » des OGM, et sauver le monde de l’hérésie consumériste
qui aveugle les pays développés au point de constituer une menace artificielle
d’extension de la faim dans « nos pays africains», devenus pour l’occasion,
« les poubelles des toxines » du monde industriel.
Cette longue
digression ne vise qu’une préoccupation qui nous hante, en tant que
Vice-Président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France,
chargé des relations avec l’Afrique et les affaires internationales : Comment
le peuple du Burkina Faso, héritier d’une Révolution dont la graine a germé et
dont les racines se sont profondément enfouies en terre africaine, comment
disions-nous, ce peuple peut-il vingt sept ans après, essaimer par l’exemple,
ce qui constituera pour l’Afrique le modèle de lutte, d’endurance, de
persévérance et de foi en la patrie, contre, malgré et envers toutes les
disgrâces ?
LE BURKINA FASO
A L’HEURE DES ENJEUX CRUCIAUX QUI ENGAGENT L’AFRIQUE
Nous pensons que l’un des éléments
de réponse réside dans la manière dont Thomas SANKARA définissait sa
religion : « Ma religion… la Foi. La foi dans ce qu’elle a
d’irrationnel, de profond et d’inexpliqué chez l’Homme. La foi m’habite. Je
crois en quelque chose. J’y crois d’une manière passionnée, d’une manière si
forte que je ne peux pas tenter d’expliquer de façon cartésienne, cela, c’est
ma religion. Je crois en l’Homme, en la justice. Je crois en l’amour de la
liberté. Je crois en l’amour de la liberté comme moyen pour les hommes, pour
une société de vivre dans l’harmonie et le bonheur. D’autres façons de croire
en l’homme aussi profondément, existent et sont également des religions. Elles
ont d’autres noms ».
Nous invitons le Peuple Burkinabè à
méditer « cette profession de foi en l’Homme » du héros de la
Révolution, pour mieux comprendre pourquoi, le Président du Faso, Thomas
SANKARA s’est livré à ses frères en sacrifice propitiatoire pour que sa foi en
l’homme et en la Révolution Burkinabé lui survivent. Suicide ? Oui !
confirme le Capitaine Boubakari Kaboré qui s’est entretenu avec Thomas SANKARA
la veille du coup d’Etat alors qu’il était entendu, que pour prendre de court
les conspirateurs, en l’occurrence M. Blaise COMPAORÉ, il annoncerait le 14
octobre 1987, sa démission à partir de Koudougou, où l’auteur de ce propos
siégeait comme Commandant du BIA.
Il se veut plus précis quand il
martèle : « Il savait qu’on allait le tuer et il a accepté de mourir.
Donc c’est un suicide. Ce que je vous dis c’est du vécu, nous en avons
discuté ; ses proches savaient très bien qu’on allait le tuer ».
Le Peuple Burkinabè, pour avoir été
enseigné, renseigné et édifié sait que la Vème République Française,
dans ses rapports avec l’Afrique en général et l’Afrique Francophone, en
particulier, est une « Métaphore filée de la France Impérialiste ».
En quête d’espace vital au XIXème siècle, la France en plein XXIème
siècle, impose à ses anciens « comptoirs français d’Afrique », une « Communauté
Financière Africaine » à travers un sigle CFA révélateur de la « Communauté
Française d’Afrique ».
Où est donc la
prétendue souveraineté des pays africains ? « La réalité saute aux
yeux comme le nez au milieu de la figure… ».
La réalité
politique, économique, historique et subliminale veut que les anciennes
colonies ne soient par essence que des « comptoirs français », des
« marchés vitaux d’écoulement des produits de France, des biens et
services produits en France, ou produits par la France en Afrique, destinés
pour ce faire à la consommation locale africaine ». Droit de préemption,
de propriété exclusive, la France va plus loin, elle se donne, par un maillage
d’actions pluriformes, masquées, parsemées de bonnes intentions et teintées de
bienveillante attention, le statut proclamé « du Pays des droits de
l’Homme et de la Démocratie » qui, sous le couvert de l’intérêt des
peuples à se libérer du délire des tyrans africains insensés ou assoiffés de
pouvoir, entend en réalité, faire main basse sur les économies africaines et
les richesses du sous-sol africain. L’injustice et l’hypocrisie caractérisées
qui sous-tendent ce crédo de la politique africaine de la France ont des
conséquences désastreuses ; la déstabilisation, la perte des repères et
des points de croissance, le déchaînement de la violence, parfois, et le
Burkina en a fait l’expérience, l’assassinat du leader d’une politique jugée
incompatible avec les intérêts de la France.
AU NOM DE
L’AFRIQUE, LE BURKINA FASO DOIT SE SOUVENIR
Le peuple Burkinabè doit se souvenir
de ce continuum historique. Il doit recontextualiser historiquement ce que le
Président du Faso, sous la Révolution disait de l’impérialisme : « … c’est
dans la pratique que j’ai vu que l’impérialisme est un monstre, un monstre qui
a des griffes, qui a des cornes, qui a des crocs, qui mord, qui a du venin, qui
est sans pitié. Et un discours ne suffit pas pour le faire trembler. Non, il
est déterminé, il n’a pas de conscience,
il n’a pas de cœur… ».
Cette vision anthropomorphique de
l’impérialisme datée du 17 mars 1985 a été illustrée par le Chantre de la
Révolution Burkinabè au cours de l’entretien accordé à Ernest Harsh de l’Intercontinental
Press. Il ressort de cette peinture de l’Impérialisme des traits de
sous-catégorisation qui relèvent du champ sémantique de la monstruosité dans ce
qu’elle a de belliqueux, de dangereux, d’immoral et d’impitoyable. Ce que nous
voulons en retenir c’est l’absence de « conscience » et de
« cœur ».
Le Capitaine Thomas SANKARA, alors
Président du Faso affirmait dans la pratique avoir « vu le monstre » qu’était
« l’Impérialisme » et se disait déterminé à le combattre :
« Plus nous avons découvert cet Impérialisme comme étant un ennemi
dangereux, plus nous avons été déterminés à nous battre et à le combattre. Et
nous trouvons à chaque fois des forces
nouvelles pour y faire face ».
Le Peuple Burkinabè doit savoir que
le Président Blaise COMPAORÉ, lui aussi n’ignorait pas qui était « ce
monstre », il ne l’a donc pas seulement « vu », il l’a vécu.
Si voir c’est
savoir, vivre c’est expérimenter le savoir. Il a expérimenté ce monstre dont « l’étreinte n’est faite que de
griffes, de cornes, de crocs et de venin l’a impitoyablement « vidé de
tout son suc, de toute son énergie, de toute sa vitalité patriotique ».
Notre supputation
qui pourrait s’apparenter à une simple conjecture tente de camper la douleur et
l’extrême affliction qui ont pu habiter pendant vingt-sept ans le subconscient
du frère d’armes, ami intime et compagnon de la Révolution de Thomas SANKARA.
Faut-il que le
Peuple Burkinabè s’en souvienne ?
En évoquant
l’amitié qui liait les capitaines Blaise COMPAORÉ et Thomas SANKARA, il était
possible de dire comme Michel Aequem de Montaigne, de son ami La Boëtie, dans
ses Essais : « C’était comme si c’était lui, c’était comme si
c’était moi ». Se référant aux deux têtes de proue de la Révolution
démocratique et populaire Burkinabé, il est en effet avéré que l’amitié qui
liait Thomas SANKARA à Blaise COMPAORÉ transcendait la fraternité de sang pour
toucher aux cimes de la fraternité d’élection, celle qui relève du choix du
cœur.
Chaque être
étant unique, il est clair que les personnalités des deux jeunes capitaines à
la tête de la Révolution Burkinabè étaient différentes. Le Capitaine, Président
du Faso était réputé très intègre, très sobre, très honnête, très indépendant
au point d’en être agaçant ; pourtant, il vouait une confiance aveugle à
son « frère » et ami, Blaise COMPAORÉ qui faut-il le souligner, avait
joué, à l’entame de la Révolution confrontée aux « réactions des réseaux
françafricains », un rôle prééminent dans la libération de son ami Thomas
SANKARA, mis aux arrêts sans mandat, le 17 Mai 1983 alors qu’il était Premier
Ministre de la Haute-Volta, sous le Président Jean-Baptiste Ouédraogo et qu’il
avait ordonné «que le feu ne soit pas ouvert » par ses gardes sur les
personnes en charge de son arrestation. Sa détention à Ouahigouya, le même jour
s’est soldé, durant la première nuit de captivité par un attentat à l’arme à
feu que l’on voulut faire passer pour un incident, alors que des instructions
avaient été données avec « ordre de tirer ; si le détenu
bougeait ».
Il confiera au
Magazine « Afrique-Asie »
après sa libération et « le coup d’Etat du 04 août 1983 » réclamé par
le Conseil de Salut du Peuple (CSP) : « Coïncidence curieuse,
l’auteur du coup de feu était le seul
soldat étranger à l’unité ». Dans le même interview il reconnaissait que
« l’honnêteté excessive… en politique se nomme purement et simplement de
la naïveté … » « Autant nous pensions que les engagements
pris d’un commun accord avec ceux qui n’étaient pas sur le même axe
politique que nous devaient être respectés, autant nos adversaires et
partenaires à l’époque acceptaient froidement et de manière machiavélique de
mettre à exécution certains projets criminels. Nous avons été naïfs et leur
avons donné les moyens de nous arrêter ». Thomas SANKARA désignait par
nous : le Capitaine Henri ZONGO, qu’il savait vivant mais en état de siège
avec ses Hommes, le Commandant Lingani, détenu à Dori, le Capitaine Blaise COMPAORÉ
dont il était sans nouvelles et dont il dira : « j’étais fondé à
interpréter ce silence comme l’aveu d’un assassinat. J’avoue avoir été moralement atteint, d’autant plus
qu’au même moment, des civils étaient arrêtés en mon nom… ».
Les entraves, obstacles et traques orchestrés
contre la Révolution Voltaïque ne faibliront pas, depuis l’époque du Conseil de
Salut Public sous les Chefs d’Etat de
Haute-Volta, Jean-Baptiste Ouédrago et Saye Zerbo, jusqu’au Conseil National de
la Révolution, sous le Capitaine, Président du Faso, Thomas SANKARA. De fait, plus
la révolution Burkinabè essaimait au-delà des frontières du Burkina Faso, plus
l’adversité, les complots, les conspirations des « meilleurs amis »
de la France et des réseaux qui veillent aux intérêts de la France se multipliaient.
Il fallait, dans le cas spécifique du
Faso « Pays dont l’aura faisait école, mettre un terme à l’aventure
révolutionnaire ». Ni le Peuple Burkinabè, ni les Peuples de la
Sous-région ouest-africaine qui adulaient « l’icône de la Révolution
Burkinabè », encore moins ceux de l’Afrique subsaharienne qui partageaient
largement l’idéologie libératrice prônée par Thomas SANKARA, ne pouvaient
donner leur aval ou cautionner une telle forfaiture. C’est à l’échelle des
Chefs d’Etat coptés par « l’hydre impérialiste » désigné sous le
vocable « Françafrique », que sera mis un coup d’arrêt à la
Révolution Burkinabé.
Dans l’ouvrage
de Bruno Jaffré, intitulé Biographie de Thomas SANKARA, la Patrie ou la mort…
paru à l’Harmattan en octobre 2007, on peut lire : « la Françafrique
définit une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en
France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur
l’accaparement de deux rentes : les matières premières et l’aide publique
au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative
hors du cercle des initiés. Le système, autodégradant, se recycle dans la
criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie. Le terme (Françafrique) évoque aussi la confusion, une
familiarité domestique louchant vers la primauté ». Cette définition de la
« françafrique » est de François Xavier Verschave, cité dans la
Biographie sus évoquée de Thomas SANKARA, et signée par Bruno Jaffré.
Elle souligne à
l’envi, « le destin mis sous scellés des anciennes colonies
françaises ».
BURKINA
FASO : L’OPPORTUNITE HISTORIQUE D’UNE RECONCILIATION PROPITIATOIRE…
Aux Burkinabès qui liront ces
lignes, nous avons cru utile de dire que la contingence historique voulue par
les intérêts oligopolistiques de la France en particulier et de l’Occident en
général, font l’objet d’une veille de tous les instants, et ne s’embarrassent
pas de la criminalisation des systèmes politiques, économiques et militaires mis
en place, pour mieux s’accaparer les rentes qui eussent pu revenir aux peuples
des pays africains, pris en étau dans « l’œil du cyclone »
occidental.
Nous disions
que les tenants et aboutissants de « cette contingence historique »
ne s’accommodaient pas de la démocratie. Ils ont simplement besoin d’espace
vital, de marchés vitaux, de ressources humaines implantées dans leurs
anciennes colonies et formées, disons-le « formatées » pour garantir,
assurer, pérenniser leurs intérêts. C’est pourquoi, leur sagacité, leur
perspicacité, leur relative efficacité résident dans l’analyse politique,
géostratégique, ethnique, anthropologique, culturelle, économique, sociale,
sociétale de nos pays, pour y déceler des failles susceptibles par « une
manière d’hypertrophie du réel », à rentrer brutalement sur « la
scène politique » des Pays africains et leur « imposer un scénario au
cours duquel, les actes ne reproduiraient qu’un jeu fixé à l’avance et dont le
dénouement au final, serait toujours le même ; à savoir : la prise en
otage des peuples et « la soumission de leurs chefs », préalablement instruits du rôle qu’ils seraient
appelés à jouer, et parfois initiés des conséquences encourues, s’ils venaient
à se démarquer de la ligne tracée ».
Que le Peuple Burkinabè ait présent
à la mémoire quand viendra le moment d’invoquer la lumière, la vérité sur
« l’assassinat de Thomas SANKARA », qu’il s’agira certes de faire un
procès dont le Chef d’accusation, vieux de plus de vingt sept ans, porte sur
ses fils qui auraient violemment et indignement assassiné leurs frères (SANKARA
et les douze autres), mais encore, mais
surtout, d’initier un procès exemplaire, juste et équitable d’une tranche de
l’histoire du Burkina Faso qui passe de loin, les vingt sept ans qu’a duré la
Présidence de M. Blaise COMPAORÉ à la tête du Faso.
Nous l’affirmons et le soutenons,
les fils de l’Afrique, rendus coupables de compromission avec « l’ennemi
commun », au point de trahir leur pays, de briser le rêve de développement
et d’épanouissement de leur peuple ; ces fils qui ont commis des exactions
et crimes innommables, allant même jusqu’à assassiner comme c’est le cas, il y
a plus de vingt sept ans, l’icône adulée de la Révolution Burkinabè ; ces
fils de l’Afrique méritent d’être jugés en se souvenant qu’ils sont « nos
fils », qu’ils sont « nos frères », qu’ils ont subi la
« morsure du monstre », qui les a du jour au lendemain, transformés
en « ennemis de leur peuple ».
Cette part de
vérité, cette reconstitution de « la tranche de vie » subvertie,
pervertie par « la cruauté et la nécessité des pouvoirs africains
contrôlés de trop près par les réseaux
impérialistes » se doit d’être révélée par nos dirigeants africains, indexés,
jetés en pâture, à la vindicte de leur peuple, contraints de force à l’exil.
Nous sommes convaincus, pour l’avoir
intuitivement perçu lors de notre séjour au Burkina Faso, quelques jours avant
la démission du Président Blaise COMPAORÉ, que ce dernier était blasé, fatigué
du rôle qu’il lui avait été donné de jouer, pendant vingt sept ans ;
exténué par « le cri strident du peuple » qui réclamait son départ et
se refusait à « la Révision de la
Constitution Burkinabè ».
En effet, à l’occasion de l’audience
du 22 octobre 2014 qu’il avait plu au Président Blaise COMPAORÉ d’accorder au Conseil
Représentatif des Associations Noires de France et du déjeuner qui s’en est
suivi le 23 octobre du même mois, nous avons échangé « à bâtons rompus »
sur la Révision de la constitution, les manifestations qui s’étaient déroulées
depuis lors, les ressentiments du Peuple
Burkinabè sur la gestion du pouvoir pendant vingt sept ans, et bien sûr, les
modalités de l’implantation du CRAN au Burkina Faso.
En tant que Vice-Président du CRAN,
chargé des relations avec l’Afrique et des Affaires Internationales, il m’a été
donné de recueillir des confidences au cours desquelles, désabusé, le Président
Blaise COMPAORÉ, me faisait part de son dépit au sujet de l’attribution d’un
marché de construction du chemin de fer destiné à acheminer via la Côte d’Ivoire,
des minerais destinés à l’exportation, eu égard à l’enclavement du Burkina
Faso. Ce marché sera attribué à une Entreprise asiatique, suite au désintérêt
exprimé par le groupe Bolloré, sollicité pour ce faire. Le même groupe français
revenu à la charge, insistera que soient révisés les termes du marché ainsi
attribué.
Il a par conséquent été convenu,
qu’une partie du tronçon serait exécutée par l’entreprise asiatique
adjudicataire et l’autre, confiée au Groupe Bolloré.
Après que
l’entreprise asiatique eut achevé la part dont elle avait la charge, le Groupe
Bolloré ne se pressait pas d’exécuter le tronçon pour lequel il avait reçu
mandat et financements y afférents. Privé d’une réalisation qui lui tenait à
cœur et qu’il aurait pu faire valoir, le Président Blaise COMPAORÉ, dépité par
ceux-là mêmes qui l’avaient instrumentalisé, en le propulsant comme médiateur
de tous les conflits en Afrique de l’Ouest, Patron du règlement des différends
au sein des Etats Ouest-africains, ceux-là aujourd’hui, le frustraient, le
privaient de l’un des nombreux projets-phares dont il aurait eu la fierté,
parmi tant d’autres non exécutés, de se prévaloir auprès de son peuple.
N’est-ce pas pour cela qu’il
déclinera le Secrétariat Général de la Francophonie qui lui était proposé par
ses mentors, après qu’il se serait retiré de la « tête du Burkina Faso » ?
Nous n’évoquons cette anecdote, que
pour avoir eu le privilège d’être là, au moment où s’écrivait une page capitale
de l’histoire du Burkina Faso.
Nous évoquons cette anecdote soucieux
de l’importance que revêt à notre entendement, la nécessité que s’estompe « la
tapisserie de Pénélope » de l’histoire des Peuples Noirs d’Afrique Francophone
« tissée et défaite » par « la métropole » quand vient le
moment de reconstituer « les motifs et nuances de la toile». La toile de
l’histoire récente du Burkina Faso se défile, tant que l’une de ses pièces
majeures manque au « métier à tisser ».
Les Burkinabès me comprennent bien.
Eux qui sont coutumiers du « coton », « du métier à
tisser » et des toiles dont les motifs et la texture furent célébrés et valorisées
par le Président Thomas SANKARA.
Qu’il leur plaise
de comprendre, d’admettre et d’accepter que le Président Blaise COMPAORÉ est
leur fils, leur frère, ou simplement un être humain qui a ses faiblesses, ses
travers, qui leur a peut-être fait subir des atrocités, des injustices et
autres calamités à l’instar de l’enrichissement démesuré des dirigeants, la gabegie
insultante de l’entourage et des comparses du régime, mais il reste et demeure
celui qui, s’étant hissé certes par la force à la tête du Faso, a conduit
pendant vingt sept ans le pays. A défaut de jouir d’une indulgence imméritée
s’il se défilait, le Président Blaise COMPAORÉ
doit, devant le peuple Burkinabé, user de son droit de réponse, du droit de
dire sa vérité, du droit de libérer « les monstres qui lacèrent sa
conscience ».
Toutes les autres manœuvres et subterfuges
identitaires sont une insulte à la sagesse et à la capacité de résilience des
Burkinabès, comme des peuples de l’Afrique profonde.
Le Président de Côte d’Ivoire, Alassane
Dramane OUATARA a « le devoir citoyen africain » de poser l’acte
primordial qui permettra avec son
homologue, le Président Marc Roch Christian Kaboré de faciliter « le
retour au Burkina Faso » de la pièce maîtresse qui autorisera que soit
possible une réconciliation du Peuple Burkinabè avec son histoire.
C’est d’un devoir historique qu’il
s’agit. Un devoir de reconsidération de nos fautes, de nos erreurs, de notre
pacte avec la « savante instrumentalisation
de la mémoire des peuples, qui ne retiennent des régimes de leurs fils que la
misère, le sang, l’horreur, le deuil » ; jamais la responsabilité des
véritables commanditaires.
Lorsque revenu de la Mission du CRAN
au Burkina Faso et dans l’attente du rendez-vous pris à Paris en décembre 2014,
avec le Président Blaise COMPAORÉ, nous apprenons, effarés, que sous la
pression du Peuple, il venait de démissionner, nous nous sommes précipités,
pour avoir des proches du Président, la primeur de ce qui devait suivre. Nos
interlocuteurs se sont contentés de nous dire « que le Président Blaise
COMPAORÉ a donné l’ordre au Régiment de la Sécurité Présidentielle de ne pas ouvrir
le feu sur le peuple » qui convergeait vers le Palais… »
Le Reste est connu. Avait-il
abdiqué ? –Assurément. Avait-il été lâché ? –Indubitablement. Avait-il
été auparavant trompé ? -Incontestablement.
Au passé
Président du Faso, Blaise COMPAORE
Je voudrais humblement dire
ceci : je ne prétends pas être de ces spécialistes de l’Afrique à la
Direction du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) de France,
encore moins une égérie d’un quelconque mandataire africain, chargé « de revivifier
le lustre terni » de quelque figure d’envergure… je ne suis qu’un fils de
« L’Afrique Eternelle » que nos ancêtres africains nommaient « Kâma »
et que les Grecs de l’Antiquité désignaient sous l’appellation
« Ethiopos »… « Les hommes à la Peau brûlée». C’est en tant que
fils de « cette Afrique là » que j’implore de tous mes vœux qu’il ne
soit plus permis que « l’omniniant crachat » qu’évoquait Aimé Césaire
dans le « Cahier d’un Retour au Pays Natal » poursuive tel « un
remords inexorcissable » les fils de l’Afrique ayant adhéré par
opportunité, nécessité ou fatalité au « Pacte occulte de
l’impérialisme ». Mon analyse ne fait pas fi du rapport des forces en
présence, mais plonge profondément dans les racines séculaires de
l’anthropologie et de la culture africaines pour souligner que l’Occident, la
France, la Communauté Internationale affectent un mépris souverain des
dirigeants à la tête de nos Etats africains, lorsque ceux-ci ont fini de
« jouer la partition », jadis écrite, prescrite ou imposée par leurs soins ».
Sur l’échiquier des enjeux
économiques, politiques et financiers internationaux, les fils de l’Afrique à
la tête de nos Etats sont assimilables à « des pions » déplacés en
fonction des intérêts, des besoins, des
appétits, de « l’ogre impérialiste ». Lorsqu’au fil du temps,
l’insatiabilité de « l’ogre » rencontre la réticence « du
pion » à se laisser déplacer, manipuler, vider de son
« essence » et de « son existence», alors, s’ébranle la machine
infernale, une manière de « Deus ex Machina » qui vient mettre un
terme à l’aventure au pouvoir du dirigeant.
Afin que cesse «la danse macabre et
burlesque des dirigeants africains dont le pas, le rythme, les actions sont conçus
pour s’achever en « fin cocasse de polichinelle des temps modernes »,
il est indispensable que le passé Président du Burkina Faso que vous êtes et
demeurez, par « un coup de théâtre », porte un « revers
significatif à l’Hydre qui veille à ce que votre séjour de vingt sept ans à la
tête du Burkina Faso, ne soit qu’une triste parenthèse. Un fait divers… ».
Non. J’ai la ferme conviction que
votre « Retour au Faso » n’est redouté que par « ceux-là mêmes
qui n’ont aucun intérêt à ce qu’il soit donné un contenu aux vingt-sept ans
passés à la tête du Burkina Faso ». La médiatisation de votre nationalité
ivoirienne acquise quelques semaines après votre exil en Côte d’Ivoire, est
encore une instrumentalisation visant à asseoir « le refus de comparaître
de l’enfant terrible de Zignaré » devant les Juridictions du Pays dont il
a, pendant vingt sept ans, présidé aux destinées.
Pourquoi l’acquisition de la
nationalité française, canadienne, américaine ou italienne par les Africains
n’émeut personne ?
Ceux de mes frères Burkinabés qui liront ces
lignes argueraient avec aplomb et pertinence, que tout africain est libre
d’acquérir la nationalité de quelque autre pays africain de son élection, mais
un Chef d’Etat qui le ferait pour échapper à la justice de son pays alors qu’un
mandat d’arrêt international est lancé à son encontre est un opprobe, une
trahison, une perfidie. Je l’entends, j’y consens. Je l’approuve. J’estime
cependant, ainsi que je l’ai fait partager dans l’adresse au Peuple Burkinabè, qu’il
est important de recontextualiser « le Retour au Faso du Président Blaise
COMPAORE » dans une historicité dépassant stricto-sensu le cadre
géopolitique du Burkina Faso pour mieux l’inscrire dans ce qui sera
tout à la fois « le procès d’un fils de l’Afrique » et « le
Procès de l’Histoire récente de l’Afrique à la croisée des chemins ».
Nul n’ignore que c’est pour flatter
une réputation « démonétisée » par les soins de « l’Hydre
impérialiste » que des esprits retors vous poussent à porter « une
auréole affublée de déshonneur ».
Le Président de la République
Centrafricaine Jean Bedel BOKASSA a comparu devant la Justice de son pays, a
dit sa part de vérité, a été entendu par son peuple et est mort libre. Le
Président du Mali, MOUSSA TRAORE, jugé, condamné mène sa retraite libre.
Je ne serai pas surpris qu’un
accueil triomphal soit réservé par le Peuple Burkinabé, à l’annonce du retour
au Faso du Président Blaise COMPAORE, venu prendre rendez-vous avec l’histoire,
venu répondre aux faits qui lui sont reprochés, venu apporter « sa part de
vérité ».
Le devoir citoyen africain commande
l’affranchissement, la rupture des chaînes de la « psychomécanique
impérialiste » qui distille, entretient l’effacement des pans entiers de
l’histoire dans la mémoire de nos peuples.
Sans haine, ni
ressentiments destinés à exhumer les rancœurs et le souffle sulfureux de la
vindicte populaire, le Peuple Burkinabé est capable d’accorder son pardon à son
Président, au simple motif qu’il a comparu
devant la justice de son Pays.
Les Apôtres et autres prescripteurs
de la fuite, de l’esquive, des « arlequinades de la couardise », et
stratagèmes de l’impunité, savent bien qu’ils ne contribuent qu’à priver le
Peuple Burkinabè de la vérité, de la Réconciliation, mais surtout de sa capacité
à donner l’exemple aux africains, qu’il existe une justice africaine qui
transcende « la loi du talion » et
s’inscrit dans le sillage de la dignité que confère le pardon, pour qui
sait l’accorder.
Je réitère ma conviction au
Président du Faso, au nom de l’Afrique dont il est un fils et du Burkina Faso
qu’il a dirigé : votre comparution sera en elle-même une victoire, une
libération, une réinsertion dans l’histoire dont vous êtes comptable autant que
l’est, le Peuple que vous avez pendant vingt sept ans, conduit. Je sais
l’affection que vous portez à votre fille unique, je sais votre part
d’humanité, de regrets. Je sais que vous serez utile au Peuple Burkinabè, au
Gouvernement mis en place par l’actuel Président du Faso, Marc Roch Christian Kaboré, à la Jeune, fragile
mais exemplaire démocratie Burkinabé. Ne la privez pas de votre expertise
avérée, de votre connaissance des enjeux ouest-africains, de votre vaste
expérience de la fréquentation du « Monstre » et de « ses
morsures ».
C’est d’un rendez-vous historique
qu’il s’agit. Un rendez-vous de la réhabilitation, un rendez-vous de la
rupture, un rendez-vous visant à exorciser les calentures qui brouillent la
lisibilité, la visibilité et la restauration au Peuple Burkinabè de la part de
vérité que vous détenez, part de vérité occultée par « le fameux devoir de
Réserve » auquel vous contraint les hautes inhérent aux hautes fonctions
exercées.
L’histoire doit s’écrire de la
manière la plus noble, de la manière qui honore ceux que l’histoire déshonore,
dans le but de perpétuer le déshonneur des Peuples Noirs et d’ériger en
« fatalité historique » l’incapacité de ces mêmes peuples à
s’affranchir du « mensonge occidental ». Là est l’enjeu et pas
ailleurs.
Au Peuple fier
et valeureux du Burkina Faso, nous disons :
« La patrie
ou la mort, nous vaincrons » !
Guy Samuel
NYOUMSI
Vice-président du Conseil Représentatif des
Associations Noires de France (CRAN),
Président de Solidarité Africaine de France
(SAF)
Contact : gsnyoumsi@gmail.com
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