Conférence de presse IRA-Mauritanie
"L'IRA n'empêche pas aux femmes et aux filles harratines de gagner honnêtement leur vie, ni aux jeunes haratins de fréquenter les Mahadras, mais l'organisation combat l'esclavage sous toutes ses formes, particulièrement l'esclavage par ascendance "
Dans une salle archi comble où se bousculaient depuis les premières heures de la journée, étudiants, journalistes-reporters, quelques chaînes satellitaires arabes (Manar et Hourra), beaucoup de militants venus faire chorus, trônait Birame Ould Dah Ould Abeid, entouré de collaborateurs et d'un jeune garçon, "victime depuis sa naissance d'esclavage et dont le cas va incessamment être soumis aux autorités " selon la déclaration du président de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), l'ennemi numéro 1 du système esclavagiste en place. Le décor était ainsi planté pour une conférence de presse essentiellement consacrée à lever des équivoques et recentrer le débat, celui qui devrait avoir lieu, sur l'esclavage et ses conséquences sur la cohésion nationale.
Le siège du Forum national des droits de l'Homme (Fonadh) à Nouakchott a abrité hier, dimanche 17 avril 2011 une conférence de presse animée par le président d'IRA-Mauritanie, Birame Ould Dah Ould Abeid. Cette conférence coïncide selon lui avec un évènement important, l'acquittement par la justice de trois personnes accusées de pratiques esclavagistes sur des filles mineures. Par delà ce verdict qui traduit selon Birame la connivence certaine entre le système politico-judiciaire en place et les maîtres esclavagistes qui détiennent les rennes du pouvoir en Mauritanie, IRA se dit confortée par le degré d'évolution de son combat. D'organisation non reconnue, brimée au début dans sa lutte, avec l'emprisonnement de ses leaders suite à la dénonciation d'un cas d'esclavage à Arafat, IRA est devenue aujourd'hui un véritable cauchemar pour un système esclavagiste, jusque-là épargné dans son commerce abject par le silence des victimes. Après avoir réussi à faire garder en vue une femme esclavagiste, même si l'accusation a été détournée de son objet, IRA frappera un grand coup avec le cas des trois filles mineures. Cette fois, l'accusation est plus explicite et la justice a franchi le Rubicon en faisant emprisonner les présumées coupables pour pratiques esclavagistes, même si par la suite le verdict n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique.
IRA : une épine au pied des Esclavagistes
Mais Birame et son organisation sont tout de même satisfaits du progrès enregistré. Un véritable coup de pied a été donné à la fourmilière. Désormais, aucun esclavagiste en Mauritanie n'est tranquille, même si le système, qui se débat encore dans ses derniers bastions, compte vendre chèrement sa peau. D'où cette campagne tous azimuts qui tend à semer la panique au sein des foyers mauritaniens. Des jeunes, qui se font passer pour Birame, auraient été mobilisés par le système pour chasser les bonnes et les boys des ménages, et retirer les jeunes Haratines des Mahadras. L'objectif d'une telle campagne pernicieuse vise selon Birame à semer la division au sein de la couche harratine, et à dénaturer l'image d'IRA que l'on cherche à rendre responsable du chômage des jeunes harratines. "L'IRA n'empêche pas aux femmes et aux filles harratines de gagner honnêtement leur vie, ni aux jeunes haratins de fréquenter les Mahadras, mais l'organisation combat l'esclavage sous toutes ses formes, particulièrement l'esclavage par ascendance ".
La guerre d'usure des esclavagistes
Cette campagne de dénaturation du combat d'IRA est doublée selon Birame, d'une campagne médiatique non moins pernicieuse, tel ce débat bidon organisé la semaine dernière par la télévision nationale. Une occasion pour le président d'IRA de fustiger le travail pernicieux des organes de presse officiel, qui n'abordent selon lui, le problème de l'esclavage que sous un faux éclairage et avec des invités triés sur le volet, car sous contrôle. Birame Ould Dah a repoussé avec dédain les deux principaux arguments brandis par le pouvoir et le système esclavagiste pour le décrédibiliser : Israël qui lui fournirait les fonds pour son action déstabilisatrice et le marchandage de la cause esclavagiste.
Pour le premier argument, Birame avance comme contre-argument de taille sa situation d'existence, celle d'un homme qui vit comme tous les citoyens lambda de la Mauritanie, dans l'une des zones périphériques les plus pauvres de Nouakchott, Riadh, sans véhicule, sans maison, avec des enfants qui fréquentent l'école public et un quotidien des plus irréguliers. Quant au marchandage de la question harratine que les invités du débat télévisé sur l'esclavage auraient abordé, Birame dira que deux au moins de ses invités auraient pu avoir la décence de ne pas parler de marchandage, car leur parcours professionnel et leur ascension au sommet de l'Etat s'est fait à coup de striptease et de fonds alloués par les tenants du pouvoir, en contrepartie de mensonges sur l'existence de l'esclavage en Mauritanie et de dénégation sur le génocide des noirs dans les années 80-90. Cette logique qui veut que l'on batte le fer par le fer, et qui consiste à utiliser des cadres harratines domestiqués pour déconstruire le combat antiesclavagiste d'IRA a toujours eu ses propres serviteurs au sein du pouvoir féodale, soutient Birame qui en citera un particulièrement bien niché au cœur du régime en place. "Ce cadre a envoyé un des siens, Lekhweïtir Ould Ghoueïber, pour prendre la tête d'une contestation appelant à la libération d'esclavagistes détenus en prison, dont sa propre maîtresse. C'est cela qu'on appelle marchandage " clamera Birame sous un tonnerre d'applaudissements. Ce genre de manifestations en faveur d'esclavagistes emprisonnés, car elle sert le système esclavagiste selon Birame, est toujours filmé et diffusé par les médias publics, qui boycottent allègrement celles organisées par IRA, fera-t-il remarquer. Selon lui le débat télévisé n'était que de la poudre des yeux, destiné à la consommation extérieure. Ainsi, beaucoup de questions soulevées au cours de ce show médiatique n'ont pas trouvé, selon Birame des réponses satisfaisantes, "le plateau n'étant occupé que par des laudateurs, des esclavagistes et des putschistes ". L'allusion aux députés frondeurs qui avaient plébiscité le putsch contre le premier président démocratiquement élu et contre la loi sur l'esclavage édicté sous le régime d'Ely Ould Mohamed Vall, donnant latitude aux organisations des droits de l'homme d'ester en justice dans les cas d'esclavages, est évidente.
Une action en justice abusivement limitée
Birame Ould Dah demandera à l'assistance "pourquoi selon vous notre action est circonscrite pour le moment à l'esclavage des filles mineures ? " Et de répondre "parce que la loi sur la protection des mineurs est la seule qui permet aux organisations des droits de l'homme d'ester en justice et de porter assistance judiciaire aux victimes ". Selon lui, un excellent projet de loi sur l'esclavage a été concocté sous l'ère de la transition, une loi qui allait permettre aux défenseurs des droits de l'homme de saisir les tribunaux dans tous les cas d'esclavage et d'assister les victimes. Cette loi selon lui a été jetée aux poubelles et une nouvelle loi a été adoptée en 2007 qui dénie le droit aux organisations des droits de l'homme d'intervenir comme partie prenante dans les cas d'esclavage.
Saïd : jeune esclave par ascendance qui a fui ses maîtres
Le jeune Saïd, corps frêle drapé dans un boubou, sagement assis à côté de sa tante, a été présenté comme un cas nouveau, par le chef de bureau d'IRA au Brakna, Cheikh Brahim Ould Oudâa. Ce garçon de 13 ans à peine, a été détaché très petit pour la garde du troupeau de ses maîtres, des gens qui vivent à Boutilimit. C'est aux environs d'Aleg, alors qu'il accompagnait le bétail, qu'il prendra la fuite. Il avait appris l'existence d'une organisation de défense des esclaves et se fit conduire chez Cheikh Brahim. Son jeune frère serait toujours chez ses maîtres alors que sa mère, rachetée par son mari auprès des maîtres, vivrait actuellement à Bababé avec son époux. Quant à sa tante qui l'a pris sous sa tutelle, elle vit depuis longtemps à Nouakchott. Elle a été affranchie. Mais Saïd encore moins son frère ne savent ni lire ni écrire. Leurs maîtres les ont privés d'éducation. Le jeune soutient avoir toujours été battu, brimé et torturé par ses maîtres.
Après la conférence de presse, Birame et ses amis devaient se rendre à la Brigade des Mineurs pour exposer son problème. Un autre combat en perspective, qui risque d'alimenter encore une fois de plus la scène nationale.
Auparavant, le président IRA-Europe, l'ingénieur Abidine Ould Merzough devait insister sur la dimension nationale de la lutte contre l'esclavage, en tant que facteur de cohésion et d'unité nationale, mais aussi facteur de paix civile et de stabilité. Selon lui, le problème de l'esclavage en Mauritanie ne sera pas résolu par l'usure du temps, mais par une action citoyenne et collective soutenue par une réelle volonté politique. L'Etat doit selon lui s'engager avec sincérité et rigueur dans la lutte contre les pratiques esclavagistes, en appliquant avec rigueur et sans complaisance les dispositions de la loi de 2007 et en cessant d'être instrumentalisé par les esclavagistes ainsi que les puissances féodales.
Sadava Ould Cheikh Houceine, président d'une organisation de lutte contre l'esclavage, tout comme Cheikh Brahim Ould Oudâ constituent sur un tout autre plan les exemples vivants d'une lutte qui n'a ni couleur, ni classe. Ces deux purs représentants de l'aristocratie maure prouvent par leur engagement que l'esclavage existe, qu'il constitue un danger pour toute la Nation mauritanienne et que l'action que mène IRA est noble. D'où l'urgence d'un combat national pour éradiquer l'esclavage et libérer ces milliers d'êtres humains encore maintenus dans les fers de l'asservissement et de l'exploitation. Pour Sadava Ould CheikH Houcein, les pouvoirs publics mauritaniens ont intérêt à organiser un véritable débat sur l'esclavage, en n'excluant personne, plutôt que de chercher à stigmatiser le combat d'IRA et de Birame Ould Dah Ould Abeid. ""Cessez de discréditer Birame et attaquez-vous plutôt à éradiquer l'esclavage en Mauritanie " devait-il conclure.
L’Authentique ; N° 1356 du lundi 18 avril 2011
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