I. Les protagonistes
Mohamed Abidine Ould Mrabih :
cousin et proche du chef de l'Etat, secrétaire fédéral de l’Union pour la
république (Upr, parti au pouvoir), dans la région d’Inchiri ; il révélait
et dénonçait, dans un article de presse, les pots de vin présumés de dizaines
de millions d’ouguiyas, que lui-même et son mentor-président avaient consentis
au Sénateur Cheikh Ould Mohamd Eznagui, pour en acheter le vote lors de la
destitution de l’ancien Président de la république, Sidi Mohamed Ould Cheikh
Abdallahi, peu avant août 2008.
Cheikh Ould Mohamd Eznagui :
sénateur, membre du parti au pouvoir en Mauritanie aujourd’hui opposé au
référendum constitutionnel du 5 août 2017, frère et protégé du général Mohamed
Ould Mohamd Eznagui, dignitaire du même régime que le premier récuse. Dans un
enregistrement vocal, largement partagé sur les réseaux sociaux au début du
mois précité, il réplique aux accusations écrites de Mohamed Abidine Ould
Mrabih ; dans la séquence audio, il défie son détracteur de produire les
preuves de la corruption alléguée ; au cours de l’échange, les 2 hommes
s’insultent, copieusement et profèrent des menaces réciproques.
Mint Mohamd Eznagui :
femme gendarme, sœur du sénateur et du général. Dans un enregistrement audio de réponse au précédent,
elle appelle l’accusateur de son frère, lui signifie qu’elle parle pour
l’honorable et très noble famille Eznagui ; au grand jamais,
précise-t-elle, elle ne touchera à la dignité de l’ascendance paternelle de son
interlocuteur Ould Mrabih, mais « je te verse à la filiation des
méprisables esclaves, dans le même lot que Biram (Biram Dah Abeid président des
réseaux IRA) ; plus loin, elle ajoute, tandis qu’une autre voix agonit
d’insultes la mère ou la grand père esclave de Ould Mrabih, « je suis à
l’aise et libre de te dire que tu es une vile personne insignifiante qui n’a
pas d’honneur, ni de dignité et nous même les femmes de la famille Eznagui, on va
s’organiser pour te lyncher ». Plusieurs
membres du lignage au nom duquel la susdite pérore occupent de hautes
fonctions civiles et militaires dans la République, dont l’une confère la
faculté de légiférer.
Les sénateurs : Une
majorité simple des sénateurs, sur un total où pourtant le parti au pouvoir
disposait d’un large ascendant, votaient,
le 13 mars 2017, le rejet d’un projet d’amendement anticonstitutionnel
défendu par le Chef de l’Etat; ces élus subissent, depuis, la persécution du gouvernement ; L’Initiative
de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA – Mauritanie) et son leader
Birame Dah Abeid se sont engagés dans la défense de la chambre haute du
Parlement. Dans ce contexte, les injures précitées dénotent le fossé qui sépare
les déclarations publiques des sénateurs et l’état d’esprit réel dans leur
entourage et foyers respectifs ; le sermon raciste de Mint Mohamd Eznagui
n’a suscité aucune forme de réprobation de la part de ces sénateurs, non,
plutôt le silence de la connivence honteuse.
L’opposition dite démocratique
ou G8, est l’ensemble des formations politiques ou civiles déclarées
partenaires du combat pour la démocratie et l’Etat de droit en
Mauritanie ; IRA – Mauritanie est membre du rassemblement. Ce dernier a
accueilli, les propos injurieux à la communauté des Hratin (descendants
d’esclaves) par l’ignorance, la banalisation et souvent l’omission.
Le ministère public: Les
autorités du pays, en vertu des lois qu’elles ont édictées et des engagements
internationaux dûment ratifiés, ont toujours réitéré la résolution à
sanctionner les pratiques esclavagistes et leur apologie ; elles devaient
ordonner au parquet de s’autosaisir, selon les termes explicites du code de
procédure pénale ; or, suivant ici la jurisprudence d’un usage bien
établi, les juges s’abstiennent d’agir dans ce genre de délit, assurant alors
la protection aux contrevenants, en l’occurrence dame Mint Mohamd Znagui,
héritière d’une dynastie de commandement d’une tribu guerrière. Le droit ne
s’applique à elle parce que les mots litigieux traduisent l’univers de sens et
de valeur de l’entité hégémonique, celles des anciens maîtres d’esclaves, à la
fois détenteurs actuels de l’autorité symbolique, du monopole de la force, de
l’économie et du magistère religieux. Subjugué au motif erroné de la religion,
le noir natif de Mauritanie est invité à chercher le chemin de son
émancipation, dans le même périmètre, celui-là même qui sacralise ses chaînes.
Dans la division nationale du travail que l’oppression requiert pour se
reproduire, les imams et autres jurisconsultes ont la charge de veiller à la
garde du troupeau Hratine, sous la menace de l’excommunication et de l’enfer
éternel.
Biram Dah Abeid : défenseur
de la dignité des exclus, détenu d'opinion récurent, récipiendaire de plusieurs
distinctions internationales dont le prix des Nations-Unies pour la cause des
droits de l'homme, ici visé par le propos raciste de Madame Mint Mohamd
Eznagui, une femme du corps de la gendarmerie, dont les éléments ont pour
mission de constater les crimes et délit avant de conduire les auteurs présumés
devant le juge.
Les Haratin : population
autochtone, assujettie à l’esclavage, depuis des siècles par les conquérants
arabo-berbères ; elle se compose, à l’origine, de serviteurs – captifs,
achetés, revendus et transmis par héritage ; aujourd’hui, la plupart sont
affranchis ou en rupture de ban ; selon les estimations les plus
crédibles, ils représenteraient la moitié de la démographie ;
marginalisés, pauvres, sous-éduqués et cantonnés dans les bidonvilles, les
Hratine incarnent le cauchemar vivant du système de domination qui vit dans la
hantise de leur éveil.
II. Le sens des mots
L’ambiguïté, en fait une
hypocrisie systémique, demeure la source
principale des défaites cuisantes et répétées de l’opposition, face aux
coteries militaires. Issue, pour l’essentiel, des castes dirigeantes au sein
des tribus, l’élite politique de la Mauritanie peine à réussir la transition
psychologique, de l’inégalité de naissance à la promotion de la
citoyenneté : la rupture historique dont il se revendique en façade, ce
personnel n’ose l’opérer dans son environnement social. Ainsi, assiste-t-on,
dans un tel milieu, à la permanence d’une schizophrénie de tous les jours où le
notable s’improvise révolutionnaire dehors et réactionnaire de retour dans son
foyer. De cette acrobatie quotidienne de la dissimulation et du dédoublement,
résulte la volatilité du vernis démocratique et républicain : à la moindre
provocation sur la fibre de l’orgueil clanique et de la généalogie, le descendant
de seigneur ou d’homme libre se souvient
de sa supériorité, endosse la robe du fauve pas assez domestiqué et
rugit sa vérité : « nous ne sommes pas égaux », aime-t-il à se
rassurer envers et contre la marche tant
redoutée de l’histoire !
La duplicité chronique irrigue
l’esprit et la parole de « grande tente », dans la plupart des
tribus, parmi les Oulémas autoproclamés et l’opinion ; bref, ce
prêt-à-penser d’essence suprématiste sert de crédo au bloc conservateur que
soude la sédimentation culturelle et morale du racisme et de la
compétition pour le prestige. Dans
divers aspects de la vie, les gestes, les attitudes et l’ethos du groupe
reproduisent la conscience, sans cesse grimée, de sa vocation : diriger,
ne jamais être dirigé, ruser sur les apparences, sans jamais céder au fond. Les
mots de Madame Mint Mohamd Znagui, le silence embarrassé des sénateurs et la
neutralité des partis d’opposition caractérisent les deux facettes de
l’acrobatie intrinsèque à un monde dont la mémoire récuse l’équité tandis que
la prudence commande d’y adhérer, au moins en surface. Ainsi se présente, in
fine, la signification des lois, de l’idéologie officielle et du partage du
pouvoir en Mauritanie: une stratégie de diversion au sens militaire du
terme, pour retarder le changement, ensuite l’atténuer avant de le dissoudre
dans la comédie du faux semblant.
La présente note d’alerte vient
corroborer des alertes antérieures, sur les contradictions structurelles de la
Mauritanie ; il importe de déconstruire celles-ci, avec application et
constance pédagogique, avant que leur convergence n’immerge le pays dans la
violence de sa déconfiture.
Nouakchott
le 14/08/2017
La commission de communication
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