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dimanche 1 juillet 2012

Leila Mint Ahmed Ould Khliva, épouse de Birame Ould Abeid dans une interview exclusive au Calame:

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''Quand le Président d'un Etat prétendument démocratique se permet d'interférer publiquement et d'anticiper sur le verdict du procès d'un citoyen, je crois que les choses sont déjà réglées''.

La maison du président de l'Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), située au PK 10 de Ryad, était calme, en cette soirée du samedi 23 juin 2012. Ce n'est plus la grande animation du temps où le leader de l'IRA était encore en liberté. Sa femme Leila, à peine la trentaine, était là, entourée de trois militants de l'organisation.

Tout était austère. La maison où elle venait de déménager, avec ses cinq enfants et quelques victimes des "séquelles de l'esclavage", dont les deux frères Yarg et Saïd, était encore un grand chantier, sans eau ni électricité. Et, comme par hasard, juste à la veille de l'arrestation de son mari, le 28 avril dernier, le sénateur de Ouad Naga, Ahmedou Ould Chemad, a demandé à la famille de Birame de lui libérer sa maison, sous prétexte de l'avoir vendue. Mais, malgré tout ce dénuement, Leïla semble avoir gardé un assez bon moral pour se permettre d'évoquer quelques anecdotes.

Selon elle, les deux petits esclaves Yarg et Said, qui apprennent à l'école privée Cheikh Yacoub, se sont classés, respectivement, premier et troisième de leur classe. " Fini ", dit-elle en riant, " le temps de la poursuite des chameaux dans les confins d'Agchorguitt où les deux petits esclaves ont été arrachés à leurs anciens maîtres les Ehl Hassine ". Leila se comporte en véritable cheftaine. Sans bouger, elle donne les ordres par téléphone. Un bon zrig, très rafraîchissant, puis un excellent thé à la menthe, agrémenté par les histoires des trois militants présents.

Quand Lehbouss, le quatrième enfant de Birame, âgé d'à peine trois à quatre ans, vient se joindre à l'assistance, toute l'attention se porte sur lui. Sa maman lui demande de réciter quelques slogans qu'il a mémorisés, pour les avoir régulièrement entendus de la bouche des militants de l'IRA. D'abord un peu gêné, l'enfant s'en donne bientôt à coeur joie : "Cha'al, Cha'al, Ya Biram! "(brûle, brûle, ô Birame !), "Houriya Houriya" (Liberté, liberté) ou "Telssouhoumwala bine zidouhoum" (libérez-les ou ajoutez-nous à eux).

Après deux mois de détention (28 avril 2012 au 27 juin 2012), Birame Ould Dah Ould Abeid et ses six codétenus (le journaliste Oubeïd Ould Imigine, Ahmed Ould Hamdi, Abidine Ould Maatala, Yacoub Diarra, El Id Ould Lemlih et Boumediene Ould Bata) seront présentés, au Parquet, le mercredi 27 juin prochain, pour avoir incinéré, le vendredi 27 avril 2012, des traités du rite malékite. A la veille d'un jugement que tout le monde attend, Le Calame a interrogé Leïla Mint Ahmed Ould Khliva, l'épouse du président d'IRA

Le Calame : Avez-vous eu l'occasion de voir votre mari depuis son arrestation ? Le cas échéant, à la suite de quelles démarches ?


Leïla Mint Ahmed Khliva : La seule fois où j'ai pu le voir, plusieurs heures durant (de 9 heures à 16 heures) c'était le mercredi dernier 20 juin. Avant cela, je le voyais, de temps à autre, à travers des vitres. Il m'a fallu trois semaines de tracasseries, de va-et-vient dans les dédales d'une administration pénitentiaire peu coopérative et, au bout du compte, l'intervention d'une haute personnalité de l'Etat, pour pouvoir, enfin, voir mon mari.

Les premiers temps de sa détention, il était isolé dans une petite pièce exigüe et chaude. Son moral est resté bon, quoiqu'il soit malade et souffre de gastrite. Mais il a, quand même, reçu la visite d'un médecin et quelques potions traditionnelles que je lui ai amenées.

- Quels sont les détails de cette histoire d'incinération des livres et qu'est ce qui s'est passé au cours de la nuit du 27 avril?


- (Rires) Pour ce qui de l'incinération, je n'ai appris cela qu'une fois les livres brûlés. Le soir, aux environs de 21 heures, alors que je dormais et que Birame était au salon avec quelques personnes, plusieurs voitures de police ont entouré la maison et attaqué violemment, à coups de grenades lacrymogènes, ses occupants: les femmes, les enfants et quelques visiteurs totalement innocents, alors même que Birame s'apprêtait à sortir à leur rencontre.

Cependant, je cautionne entièrement l'acte de mon mari, car j'estime que certains passages de ces livres ne sont plus d'actualité et permettent, juste, aux esclavagistes de justifier leurs abominations à l'encontre de personnes sur lesquelles ils n'ont absolument aucun droit, du point de vue même de l'Islam, car les oulémas ont prononcé le non-fondement légal de l'esclavage, dans les années 80, sous Haïdalla, ce qui a entraîné son abolition.

Je considère, en tant que militante d'IRA, que ce geste est un acte de militantisme qui aura permis de reposer la problématique de l'esclavage qui touche des centaines voire plus d'un million de Mauritaniens.

La grande instrumentalisation politique et le tapage médiatique qui ont été entretenus autour prouvent qu'il y a anguille sous roche.

- Le salaire de votre mari est suspendu, depuis le mois de février. De quoi vivezvous, aujourd'hui ?

- De la grâce d'Allah. Certaines bonnes volontés, des proches parents, dont mon père et ma mère, et de fidèles amis à mon mari, des militants et des personnalités anonymes contribuent à ce que rien ne manque dans la maison.

Je profite de l'occasion, à travers les colonnes de votre respectable journal, pour leur exprimer, publiquement, toute ma reconnaissance et tous mes remerciements.

- Le procès de votre mari est prévu pour le mercredi 27 juin 2012. Quel message voulez-vous adresser aux juges en charge du dossier ?

- Le message que je voudrais leur adresser est celui qu'Allah leur a déjà exprimé : lorsque vous avez en charge cette terrible mission, jugez équitablement entre les gens.

Mais que peuvent-ils, les pauvres ? Quand le Président d'un Etat prétendument démocratique se permet d'interférer publiquement et d'anticiper sur le verdict du procès d'un citoyen, je crois que les choses sont déjà réglées. Je sais qu'il faut beaucoup de courage, de bonne conscience et de rectitude morale pour que ces magistrats sortent de la logique du Président.

- Voulez-vous adresser un mot aux organisations des droits de l'Homme?

- Naturellement. Un vibrant hommage, un mot de remerciement et de reconnaissance pour toutes les organisations, nationales et internationales, le collectif des avocats, les personnalités de divers horizons et à la presse, pour qu'ils exercent davantage de pression afin que Birame et ses amis, qui ne sont que des détenus d'opinion, en arrestation arbitraire injustifiée, soient, purement et simplement, relaxés.

PROPOS RECUEILLIS PAR SNEÏBA EL KORY.

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