Et si on osait revoir la définition
superficielle et générique du terme « Haratine », admise sans réflexion sur les
évidentes implications issues de l’ordre esclavagiste et ses différentes
manifestations. Il est utile et pertinent de différencier les ordres
d’apparence en « Mauritanien » où tout est relatif finalement. En effet l’Homme
Haratine peut être Beydane de culture mais admis en périphérie, Noir
entièrement de peau comme tous les noirs de la terre et ayant le même statut
social, coutumier, tribal et politique que tous ceux qui ont vécu l’ordre
esclavagiste quel que soit sa teneur ou
sa nature à travers le temps et l’espace. Si on raisonnait sur l’ordre
purement politique et statutaire, un haratine n’est pas Arabo-berbère, ni
Soninké, ni Peulh, ni Bambara et ni Wolof . Mais le statut de Haratine peut
être trans-communautaire car chacune des différentes communautés dans leur
fonctionnement traditionnel en vigueur, a ses haratines statutaires
intra-communautaires qui subissent les mêmes régimes déterministes sur le
matériel et l’immatériel. Pour comprendre, il faut bien s’intéresser aux
appellations connotées du terme haratine compris par « statut » au sein de
toutes les communautés nationales.
Dans un esprit sincère et délesté de tout à
priori du très connu élément communautariste
mauritanien, nous pensons que le statut de l’Homme considéré Haratine
est très loin d’être le plus enviable. En effet la hiérarchisation sociale
connue dans toutes les communautés, et promue et entretenue par les segments
dirigeants tribalo-ethniques, donne une forme “d’intouchabilité” à ce statut
dans l’imaginaire collectif à l’échelle trans-communautaire dominée par l’ordre
tribalo-féodal. Au sein des communautés noires hors “haratine”, le haratine de
statut est connoté avec peu de choses de positif. Plusieurs sobriquets douteux
et farfelus sont truffés dans un discours admis tacitement qui révèle le vrai
fond des considérations des uns et des autres vis à vis du statut de Haratine.
Par exemple, chez les Soninkés, l’imaginaire collectif véhicule qu’un haratine
de statut serait un docile par fatalisme et pouvant être un “brut inconsidéré
et irréfléchi” sous ordre de son maître même un enfant. Sans vouloir s’étendre
et gratter dans les rigoles des raccourcis peu reluisants de la construction
socio-culturelle du “hardané” imagée, il est clair que l’Homme haratine est
loin d’être une simple personne anciennement affranchie de l’esclavage.
Cette
logique caricaturale qui sous-evalue l’individu haratine, distrait même les
personnes d’extraction sociale servile (castées esclaves) dans d’autres
communautés, qui se croient, elles avoir un meilleur statut que celui du
haratine. Sans doute, une drôle de corruption imaginative de ces castés
esclaves qui vivent dans une somnolence intellectuelle et un alignement
inconscient et inconséquent qui inhibent
L’Essentiel en eux. Ceux qui sont victimes historiquement de l’ordre
esclavagiste et le régime féodal, auront une visibilité appréciable digne de ce nom sur le nouvel ordre étatique
reconnaissant le statut plein de citoyen, quand ils oseront se défaire des
appartenances d’identification sociale et tribalo-ethnique. Comme un vrai
haratine dans les références tribales arabo-berbères, un casté esclave chez les
communautés noires n’est lié à un clan féodal qu’en étant subalterne de statut
et à vie . Bien qu’on retrouve une certaine tendance à la tribalisation ou la
féodalisation de certains milieux haratines qui croient s’honorer en reproduisant
les mêmes mécanismes qui sabotent
l’émergence d’un régime des droits et devoirs égaux sur l’élément NATIONAL.
D’autre part, il est certain que psychologiquement le haratine (esclave franchi) engagé
abolitionniste et anti-esclavagiste peut être plus libre et décomplexé qu’une
personne d’extraction sociale servile issue des autres communautés noires.
Notre haratine décomplexé a su se défaire des pesanteurs du régime tribal des
anciens maîtres , en sachant que sa dignité et son honneur d’Homme ne peuvent
pas dépendre des anciennes références déterministes intrinsèques à l’ordre
tribalo-féodal. En effet, l’abolitionniste sérieux et radical a compris qu’avec
l’effet tribalo-féodal point de vraie liberté pour les victimes et les lésés.
Et il sort intelligemment et vaillamment des convenances inhibitrices soignées
par les milieux dominants, pour faire appel à l’application stricte du Droit de
l’ordre étatique qui reconnaît en théorie le Citoyen d’abord avant tout statut
social ou coutumier particulier. Ainsi, le travail de fond consiste aussi à
différencier ce qui révèle du culturel et du statutaire dans son cadre originel
sur le matériel et l’immatériel. Pareille prise de conscience est loin d’être
initiée sérieusement par les anciens
esclaves des autres communautés
(soninké, peulh et d’autres) , qui subissent des écueils psychologiques
et ne veulent pas affronter l’inévitable à terme. Ces stigmatisés et lésés par
l’ordre féodal très fermé, semblent se plaire au culturel intra-communautaire
dans le temps et l’espace. Leurs droits légitimes en tant que Homme digne sont
bafoués sur le matériel et l’immatériel par un ordre féodal trompeur et
inhibiteur. On fait croire à certains endormis que l’ordre étatique serait
injuste et discriminatoire à l’endroit de toute la communauté noire du pays,
tout en voulant gommer habilement le fonctionnement traditionnel foncièrement
injuste et exclusiviste des piliers de la société féodale.
Pire, certains
castés esclaves semblent même regretter l’ordre esclavagiste d’antan, et font
le bonheur des féodaux purs et durs qui lient leur prestige identitaire dans le
temps et l’espace aux soins portés au puzzle sociétal. Pour certains de ces
féodaux obsédés par des statuts sociaux aux origines douteuses , avec le monde
nouveau d’ouverture et de libéralisation de l’instruction, leurs sociétés sont
menacées sans le régime de supériorité
et d’infériorité en Droits et surtout en dignité. Un régime qui a de
l’avenir dans certains milieux, par exemple dans le monde soninké, un casté
esclave peut se permettre de parler ouvertement qu’il est fier d’être “esclave”
sur les ondes d’une Radio communautaire en plein Paris. Et pour lui, tous ceux
(castés esclaves) qui refusent et contestent l’ordre féodal sont des complexés
qui font honte à la mémoire de leurs ancêtres “honorablement” dociles . Sans
oublier un certain ordre clérical et maraboutiste qui diffuse et prêche le
fatalisme pour endormir davantage ceux qui se soumettent à un dit “Décret
Divin” faisant d’eux des damnés au “sang impur”.
On dirait même que c’est à cause des fiches
de paie en France, que ces dits complexés osent se rebeller. Suivant ce
raisonnement fallacieux, on se demande quel est le statut de leurs maîtres
féodaux en France, travaillent t-ils pour être payés par nos hôtes ou sont –
ils les maîtres absolus en Tout même en occident..??
Un pareil personnage ne mérite pas un jour
atteindre le statut de Haratine (compris
affranchi).
L’avenir paisible d’un ordre Juste et
égalitaire dans un État démocratique et citoyen, dépendra beaucoup du
traitement que chacune des différentes communautés aura réservé à ses
“haratines statutaires”. À cette étape de notre évolution, la tendance générale
est à la fuite en avant par le déni, le culturellement trompeur, les non-dits,
le double discours et surtout une FOI DOUTEUSE pleine de paradoxes.
Kundou Soumaré
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