Alerte Mauritanie : Recel et blanchiment d’esclavage, en cours
1. Aïn Varba est une localité de la région du Hodh occidental, à
environ 800 au sud-est de Nouakchott, la capitale. Le chef-lieu est Aïoun. L’endroit
s’est fait connaitre par des violations de la dignité de la personne quand, en
2011, Ira-Mauritanie (Ira-M) y découvrait des pratiques d’esclavage domestique
et selon ascendance, avec des ramifications dans d’autres villes. A l’époque, les
militants de l’organisation furent copieusement torturés, sur place, sous les
ordres du commandant de la brigade de gendarmerie.
2. 10 ans après, un dignitaire de Aïn Varba, le sieur Cheikhna Ould Chehlawi,
y a hérité de servants et de servantes, issus de rapts perpétrés, du vivant de
son père, contre des noirs, natifs du périmètre alentour.
3. A la suite d’une pré-enquête vigilante, une mission que
conduisent Abdallahi Abou Diop, responsable de la commission de défense des
droits humains et Laghdaf Ould Neemeu membre du Comité de paix quittait
Nouakchott, le 6 novembre, en direction du lieu-dit. Ils bénéficieront de
l’appui des bureaux locaux de l’association, à Tintane et Aïoun, avant
d’approcher la victime, Mariem Mint Cheibani. En compagnie de cette dernière, la
délégation se rend, à Aïn Varba, deux jours après, afin de déposer plainte,
auprès de la gendarmerie. Le commandant de brigade a tergiversé et traîné avant
d’accepter de recevoir la déposition de la plaignante et d’enregistrer sa
requête. La gendarme procéda, alors, à une investigation hâtive puis décida le
déferrement du dossier, le 10 novembre courant, devant le Procureur du tribunal
compétent, à Aïoun.
4. Le magistrat en question, Mohamed Abdallahi Ould Ahmedou écouta
les parties présentes, en l’occurrence le présumé fauteur Cheikhna Ould Chehlawi,
la victime Mariem Mint Cheibani et ses deux rejetons. La cadette Salka, encore mineure
selon une vidéo fameuse qui circule sur internet, a été donnée en guise de
cadeau de mariage, par Cheikhna Ould Chehlawi, à sa propre fille Selemhe; la mère de Salka confirma les faits et griefs, y
compris face au parquet. Depuis des années, la dame, bénéficiaire du présent
humain, fait travailler l’enfant, chez elle, à Nouakchott.
5. Or, le Procureur de la république, en vertu des réflexes
habituels qui consistent à octroyer l’impunité aux groupes dominants, fit ramener
la petite Salka, de Nouakchott à Aïoun mais ignora sa maîtresse, Selma Mint Chehlawi.
Pire, il entérina les allégations mensongères selon lesquelles l’ainée des deux
esclaves - de son prénom Cheikhna, suivant le vœu du maître - serait majeure,
ce qui expliquerait sa présence au service de ce dernier. Il importe de noter,
ici, que les filles et leur maman ne possèdent aucune pièce d’état civil ;
cependant, la mère aurait été enrôlée mais ne jouirait de ses papiers
d’identité que par la volonté de son bourreau : elle en userait les jours
de scrutin ou lors du retrait des vivres, au titre de la prévention des risques
de famine. Bien entendu, Cheikhna Ould Chehlawi veille à récupérer le fruit
puisque Mariem Mint Cheibani lui appartient.
6. En effet, faisant fi de toutes les lois incriminant l’esclavage en
Mauritanie, il continue d’assujettir les femmes et hommes, de couches
vulnérables, en les faisant travailler sans rémunération ; il en offre
l’usage, plus ou moins occasionnel, à sa progéniture. Le notable Cheikhna Ould Chehlawi
possède plusieurs serviteurs et les exhibe, fièrement au tribunal, pour qu’ils témoignent
en sa faveur et le protègent des rigueurs de l’égalité et de la citoyenneté.
7. Pour Ira-M, l’esclavage demeure répandu dans les quartiers chics
et résidentiels de la capitale, en particulier la commune de Tevragh Zeina. Il
s’étend à la quasi-totalité des centres urbains ; d’ailleurs, si la matrice
de l’infériorité de naissance remonte aux villages et campements nomades, elle
s’enracine, de manière moins visible, à l’intérieur des villes où, pourtant, le
pouvoir d’Etat s’exerce davantage. Paradoxe
quotidien, la progéniture des familles de nobles perpétue la relation
verticale. Cadres et hauts fonctionnaires y recourent toujours, malgré la
proximité du noyau de l’Etat. Il est erroné de penser que l’esclavage n’existe
plus que dans les zones enclavées de la Mauritanie.
8. De nombreuses mères s’abstiennent de lever le secret du père, car
la femme en situation de captivité subit les viols de ses propriétaires, même
mariée. Les responsables de tels actes d’ignominie s’en justifient au nom de
livres du code noir, les fameux recueils de la Charia locale où l’on enseigne
et vulgarise le traitement du bétail humain.
9. Comme il y a 10 ans, le tribunal argue, aujourd’hui, que IRA-M
n’est pas une organisation reconnue ; en conséquence, elle ne saurait
ester en justice ni accompagner et encadrer la plaignante. Ainsi, le magistrat évite
de convoquer Selemhe Mint Chehlaoui mais n’hésite à rapatrier l’enfant abusée,
Salka.
10. IRA – M pressent, là, une menace d’occultation d’un cas flagrant
d’exploitation de l’homme par l’homme. En dépit de l’alternance de 2019, la
justice de caste résiste à la normalisation et porte entrave aux changements et
réformes attendus et ô combien différés.
Selon
les dernières informations, le Procureur d’Aïoun renvoie, l’affaire, à la
brigade de gendarmerie, certainement aux fins de ficeler le « meilleur »
prétexte visant à dissimuler – une fois de plus- un crime avéré que ses auteurs
assument avec fierté et arrogance.
Initiative
de Résurgence Abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)
Nouakchott,
le 10 novembre 2021
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