Note de synthèse
Le 11 avril 2020
Bouceif Ould Hmeiti, cadre à la Société nationale industrielle et minière (Snim)
est conseiller municipal de Zouérate (nord) est interpelé, par la police, à la
suite d’une plainte, près le parquet, de deux Ong proches du pouvoir. Le surlendemain, 13 avril, à Nouakchott, des
hommes en uniforme s’emparent de Mariem Mint Cheikh, quelques heures après son
époux, Mohamed Diodié, également militant de Ira-M, désormais en liberté. Ainsi
séparée de l’enfant qu’elle allaite, son lieu de détention reste inconnu.
Postulat
Les griefs retenus à
l’endroit des trois renvoient à la pénalisation des discours de haine, en vertu
de la loi du 18 janvier 2018, dans le cadre de la lutte contre les discriminations. A l’époque, le
texte soulevait les réserves de 3 rapporteurs spéciaux de l’Organisation des
nations unies (Onu), en l’occurrence MM David Kaye « promotion et la protection
du droit à la liberté d'opinion et d'expression », Michel Forst
« situation des défenseurs des droits de l'homme » et Tendayi Achiume
« formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de
xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ». Dans une
correspondance adressée, le 24 janvier, au gouvernement de la Mauritanie, ils
attiraient l’attention sur les incohérences et
les risques de bavure, notamment le musellement des militants
abolitionnistes et autres promoteurs de l’égalité. Il n’échappait, alors, aux
esprits doués de discernement, que le Parlement légiférait, en la circonstance,
à l’unique fin d’endiguer l’indignation des exclus.
Objections
A la différence du
prévenu de Zouérate dont l’enregistrement audio énonce une opinion de
supériorité sur les noirs et de stigmatisation de ceux-ci, Mariem Mint Cheikh
publie, au travers de sa page Facebook, la
critique de la domination à la naissance, qu’elle impute à « l’Etat des
maures ». A certains passages, elle le maudit et en prédit le déclin. La
distinction, ici exposée, établit la comparaison d’une parole relevant du
mépris esclavagiste, à la contestation de l’ordre et des valeurs où les auteurs
de tels excès trouvent les accents de l’arrogance, l’assurance de l’impunité et
la légitimation ethno-religieuse de l’énoncé. A l’insulte héritée de siècles de
suprématie et d’exploitation, vient répondre la sédition des mots. Lequel
faut-il blâmer ? Pire encore, un fonctionnaire de l’Agence nationale du registre de la population et des titres sécurisés ( Anrpts), parent du Chef de l’Etat et un employé
local de l’Ambassade de Mauritanie en Côte d’Ivoire, tous les deux salariés de la
fonction publique, s’étaient rendus coupables d’apologie de l’esclavage,
exactement selon les termes attribués à Bouceif Ould Hmeiti ; Jusqu’à ce
jour, chacun occupe sa fonction, à l’inverse de la diplomate Mint Aoufa, en janvier 2020, le
surlendemain de son tweet antisémite.
Constat
Il convient de le
souligner ici, les noirs de Mauritanie n’ont jamais exercé la contrainte de
groupe sur leurs compatriotes arabo-berbères. L’inverse est copieusement
attesté, longtemps durant et nul n’en ignore le bilan ; à une époque récente,
de 1987 à 1991, le placard débordait de cadavres, malgré les tentatives
avortées de contrefaçon du récit et de ménagement d’une amnésie collective. Allons
plus avant, dans l’exégèse des faits : Quand il s’est agi, en 1990,
d’actionner la justice, au nom des victimes, pour obtenir réparation de
centaines d’assassinats et de milliers de déportations sur le fondement de la
race, les députés du moment exacte traduction du rapport des forces social au
sortir de la tuerie, s’empressaient d’adopter un texte dit « d’amnistie ».
A présent, la loi numéro 93-23 du 14 juin 1993 interdit de juger
les commanditaires, exécutants et complices, quel qu’en soit le niveau
d’implication. A ce trait d’iniquité, s’ajoute la requalification - quasi mécanique
- des plaintes face aux pratiques de l’esclavage et, in fine, l’abandon des
poursuites. Il s’agit, juste, d’un exemple, parmi d’autres dans un pays qui
réserve, à une seule de ses communautés, l’essentiel de la puissance matérielle
et statutaire, le monopole des banques et les agréments de chaines de
radiotélévision. Si ce n’est l’Apartheid, la ressemblance confine à la
gémellité.
Chiche !
Comme de bien entendu,
Ira-M, réprouve la stigmatisation de l’Autre et les diverses facettes du racialisme
et s’en tient aux moyens de la non-violence et du droit. A ce titre, s’est-elle
séparée d’éléments de valeur sur le terrain, à cause de leurs outrances,
parfois proférées ad hominem. Il n’est plus question de revenir sur cette
révision, si douloureuse fût-elle. Aussi, l’Ira-M attend-elle, du gouvernement
et des magistrats, la mise en accusation judiciaire de l’ensemble des contrevenants
à la loi, sans en excepter l’ancien Président Mohamed Ould
Abdel Aziz ; le 3 mai 2016, à
Néma, il expliquait la pauvreté des descendants d’esclaves, par le pullulement
de leur natalité. La vague de procès que nous proposons s’annonce d’utilité et
de pertinence, afin de recouvrer le goût de la vérité et le sens d’une
cohabitation féconde à l’épreuve d’un prétoire impartial. Au terme des
audiences, les mauritaniens constateront l’évidente vanité de vouloir censurer
les mots, quand la réalité les conforte tant et si bien. Ce jour-là, nous
parlerions, à l’unisson, le même langage.
D’ici le grand déballage,
Mariem Mint Cheikh doit recouvrer son foyer parce qu’elle n’a d’autre asile où
fuir l’injustice, que la terre de ses ancêtres humiliés. L’y retiennent, ses
enfants en bas âge, son combat et la certitude de les voir grandir sous l’égide
du mérite. Mariem Mint Cheikh n’est pas une délinquante, non, plutôt l’héroïne
de sa cause, la nôtre aussi.
Nouakchott, le 14 avril 2020
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