Le Rénovateur Quotidien : L’Initiative mauritanienne pour l’Egalité et la justice IMEJ, que vous présidez, vient de dénoncer la suspension des émissions animées par Guelongal, pour le compte de la station Radio Guidimakha. A votre avis, quelles sont les raisons qui pourraient expliquer cette décision?
BA Mamadou Kalidou : Malgré toutes nos investigations, nous ne pouvons toujours pas indexer avec certitude une seule raison valable susceptible d’expliquer cette suspension de l’émission en pulaar de la station Radio Guidimakha. Toutefois, nos enquêtes ont révèle une piste qui se confirme d’heure en heure. Le gouverneur de Sélibaby serait à l’origine de la suspension de l’émission. Il aurait, à l’occasion d’une réunion dont la teneur nous a été révélée, affirmé que le temps imparti aux langues nationales que sont le pulaar et le Soninké (30% pour le pulaar, 40% pour le soninké et 30% pour le Hassania-arabe) dans les émissions globales de la station-radio était, à son avis inadmissible. Il pense que ces langues, parlées par l’écrasante majorité des populations de cette région, à l’instar de la radio nationale, ne doivent occuper que moins de 10% des émissions globales. Précisons au passage que la répartition du timing entre les différentes langues dans les radios régionales a été effectuée par les pouvoirs publics suivant les proportions des locuteurs à l’échelle régionale. Il s’agissait d’amorcer un rééquilibrage censé mettre progressivement un terme à la discrimination éhontée qui frappe les communautés négro-africaines de la Mauritanie et qui fait de leurs dialectes des langues de second rôle et d’eux mêmes des citoyens qui devaient choisir entre s’assimiler à la langue et culture mauresque ou vivre éternellement en marge du pays. Mais visiblement, le wali du Guidimakha ainsi que son préfet ne l’entendent pas de cette oreille. Ils appartiendraient à un lobby baathiste qui est prêt à tout pour garder une Mauritanie exclusivement arabe, peu leur importe si leur racisme comporte des risques pour l’unité nationale. Vous me demanderez certainement pourquoi les émissions en soninké ne sont pas suspendues? Eh bien, pour moi c’est une simple stratégie de combat pour l’administration : la politique de l’élimination alternative. Plutôt que de réduire drastiquement le temps d’émission du pulaar et du soninké, le wali s’attaque d’abord au pulaar, une fois que c’est fait, la même chose s’imposerait de facto au soninké. Cela rappelle la vieillotte politique du « diviser pour régner » de l’ère Ould Taya. Seulement la nouvelle génération de Guidimakhanko que nous sommes n’est pas dupe…
Le Rénovateur Quotidien : L’IMEJ compte-t-elle agir en faveur d’une reprise des émissions jusque-là animées par Guelongal ? Quels sont les moyens que vous allez mettre en action pour obtenir gain de cause ?
BMK : L’IMEJ, conformément à ses principes et à ses objectifs sera, comme toujours, aux côtés du peuple face à une administration qui, au lieu de servir loyalement les populations, les méprise, les raquette si, elle ne se comporte tout simplement pas comme une administration coloniale. Sur cette affaire l’initiative a pris ses responsabilités et entend, par le biais de sa section sélibabyenne, maintenir la mobilisation jusqu’au rétablissement total des émissions suspendues. Pour ce faire, comme nous l’avons fait à Nouakchott aux côtés de nos alliés du FLERE, lors de l’arrestation arbitraire de nos camarades, nous poursuivrons les manifestations jusqu’à la satisfaction de nos revendications. Je précise que la marche du lundi dernier, qui s’est déroulée du quartier collège à la maison du Gouverneur était destinée, comme notifié dans la lettre remise aux autorités, en plus du rétablissement immédiat des émissions en pulaar, à exiger la réouverture de l’état civil de Sélibaby ; fermé depuis plus de deux ans et le caractère discriminatoire des recensements en cours !
Le Rénovateur Quotidien :L’IMEJ participera-t-elle à la commémoration des dates du 27 et 28 novembre, sur le site d’Inal, annoncée par l’IRA?
BMK : Sur le principe, rien ne s’y oppose. Cette initiative de l’IRA nous convient en ce sens qu’elle permettra d’informer et d’entretenir les Mauritaniens sur les exactions racistes à caractère génocidaire perpétrées sur les Négro-africains de Mauritanie par une partie de leurs concitoyens arabo-berbères sous le drapeau national !!! Mais le moment venu, nous aviserons.
Le Rénovateur Quotidien : Le docteur Bâ est l’un des membres fondateurs du Flere (Front de Lutte contre l’Esclavage, le Racisme et l’Exclusion). Quel est le bilan qu’il dresse aujourd’hui, en ce qui concerne l’action de cette organisation ?
BMK : C’est l’IMEJ qui est membre fondatrice du FLERE, car l’entré dans ce mouvement n’est pas individuelle, mais structurelle. A sa naissance, le FLERE était un consortium de six organisations, il a depuis enregistré deux nouvelles adhésions… Je pense qu’il a abattu un travail considérable depuis sa création effective en novembre 2010. D’abord au plan symbolique, il incarne la possibilité de regroupement de toutes les communautés opprimées qui, en prenant conscience de leur destinée commune, nouent une alliance stratégique pour se battre contre la discrimination raciste qu’elles subissent et dont l’esclavage est la forme la plus inhumaine. Après notre grand meeting au 6ème (quartier de Nouakchott) où les forces de police qui voulaient disperser nos militants ont été obligés de déguerpir face au refus de nous disperser, nous avons été amenés à prendre en charge un cas d’esclavage sur une fillette noire. Les autorités que notre discours indisposait déjà depuis longtemps ont voulu profiter de cette occasion pour décapiter le FLERE, notamment en arrêtant toute sa direction et avec elle son ancien président en exercice. Je suis rentré de la France une dizaine de jours après et me suis immédiatement attelé à reconstituer le Conseil des Présidents (instance suprême du front) ainsi que des commissions ad hoc pour reprendre la mobilisation. Aussi les autorités furent elles surprises de nous revoir dans la rue et de devoir affronter toutes les semaines, nos marches et nos sit-in devant le ministère de la justice, l’assemblée nationale ou la primature. C’est ce que j’ai appelé le harcèlement pacifique ! Combattre l’injustice les mains nues et sans violence, grâce au refus radical et à la mobilisation résolue ! Dans nos Etats émergeants, il est le seul à pouvoir faire évoluer dans le sens d’un Etat de droit. Il fallait également barrer la route aux autorités du pays qui, s’efforçaient de nous discréditer en nous faisant passer pour des « fous furieux, des violents », affirmant que nos camarades ont pris d’assaut le commissariat d’Arafat.. Face à une telle campagne de diffamation, nous avons répondu par une contre campagne d’information de l’opinion nationale et internationale à coup de conférences de presse et de visites rendues aux ambassades. Il fallut bien se rendre compte de l’évidence : l’image du régime de Abdel Aziz se détériorait chaque jour sous notre double action corrosive. Il n’avait d’autre choix que de libérer nos camarades. Je pense donc que le FLERE a fait avancer la cause des opprimés, en moins de six mois, là où le pouvoir comme l’opposition traditionnelle a piétiné pendant des décennies. Mais nous n’en somme qu’au début et bien des batailles nous attendent encore pour amener la Mauritanie à devenir la nation, non raciste, non esclavagiste, égalitaire et juste à laquelle nous rêvons.
Propos recueillis par Samba Camara
Source: le rénovateur Mauritanie
propos nobles et dignes d'un jeune mauritanien soucieux de l'unité nationale
RépondreSupprimermerci et longue vie à toi seydi ba
konté
""ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément"" boileau!
RépondreSupprimerquand les idées sont en place et quand l'esprit humain se comporte dignement en veillant à ne léser personne ce qui en ressort ne peut être que bénéfique pour tous!
"la vérité ne ment pas!" et avoir la conviction que ce qu'on dit, ce qu'on fait est juste, ne peut que nous méner à la victoire finale : celle de l'humanisme sur le barbarisme, le racisme d'état. tenez bon!