« La politique n’est l’art de l’avenir qu’en sachant d’abord être celui du présent » J.F.Revel
Les
 tragédies humaines émanent souvent du silence des hommes. Et même, 
parfois, il ne suffit pas de parler, il convient d’agir à temps. Tous 
les dirigeants mauritaniens n’ont fait jusqu’ici qu’évoquer les 
problèmes, alors qu’il faut mettre en place des politiques concrètes et 
efficaces pour gérer les crises nationales. Et ce, autant pour la 
distribution équitable des biens, le traitement égalitaire des citoyens 
dans l’accès à la fonction publique, que pour la visibilité politique et
 culturelle de toutes les composantes nationales. Notre pays regorge de 
ressources naturelles incommensurables, pourtant l’écrasante majorité - 
40 % - de nos concitoyens croupit dans la pauvreté. Il n’y qu’une classe
 qui s’enrichit considérablement et une autre qui s’appauvrit 
lamentablement. Que l’on soit Maure, Peul, Soninké, Wolof ou Hartani, 
notre trajectoire de vie dépend naturellement  du lien entretenu avec le
 système social et politique établi depuis la construction du pays. Afin
 d’exister en bon citoyen aux yeux des détenteurs du pouvoir, il faut 
renoncer à sa dignité. Devenir un citoyen grégaire et malléable.  Nous 
en sommes arrivés là pour plusieurs raisons. Loin d’être exhaustif, on 
se contentera d’exposer quelques aspects.
La 
Mauritanie a toujours été gérée comme une propriété d’un clan, d’une 
région ou d’une tribu. C’est pourquoi son envol économique n’intéresse 
qu’une classe minoritaire : celle des entrepreneurs et des hommes 
d’affaires. Cette élite se reproduit en envoyant ses enfants dans les 
plus grandes écoles du monde. Elle est la seule à savoir ce que signifie
 un PIB, à comprendre le cours de la bourse  internationale et tous les 
grands plans financiers. Elle est aux bottes des bailleurs des fonds 
étatiques et étrangers. Les hommes d’Etat mauritaniens ne communiquent 
qu’avec elle. C’est pourquoi tout se confond : le bien public et le bien
 privé. Il suffit de constater l’ampleur de la dilapidation de nos 
ressources, pour se rendre compte du manque à gagner de la banque 
centrale. Les caisses de l’Etat se remplissent pour être aussitôt vidées
 dans les poches des gouvernants. La lutte contre la gabegie tant 
scandée par MOAA est un leurre. Le lièvre gît ailleurs !
Tout émerge du fondement sociologique de l’Etat, notamment à travers 
le projet de société qui devait être bâti dès notre accession à 
l’indépendance. Quelles est la conception de l’Etat des dirigeants 
d’antan, d’aujourd’hui et de demain ? De quel modèle constitutionnel 
sommes-nous inspirés ? Pourquoi les rênes du pouvoir sont toujours 
unilatéralement distribuées ? Voyons nos institutions depuis 
l’indépendance à nos jours : sommes-nous capables d’établir un bilan 
réconfortant ? Pourquoi le clanisme et le clientélisme remplacent-ils la
 compétence ? Pourquoi l’Etat  favorise-t-il le nationalisme 
arabo-berbère au détriment de l’identité négro-africaine du pays ? 
Quelles valeurs morales et civiques inculquons-nous aux futures 
générations ?
Les discours politiques confortent les positions des dirigeants au 
lieu d’introduire des solutions idoines aux crises et aux urgences. La 
preuve en est qu’ à Néma, devant une foule hystérique composée de sujets
 de notables, Mohamed Ould Abdel Aziz s’en est donné à cœur joie dans 
son exercice démagogique préféré. On ne communique pas avec des 
assoiffés et des affamés comme avec étudiants en économie. D’ailleurs, 
il suffit de comparer les chiffres faramineux évoqués lors de cette 
rencontre à ceux qui sont cités par les députés à l’Assemblée Nationale,
 pour s’apercevoir qu’ils découlent  de l’imaginaire de ses conseillers.
 Au lieu de lancer de la poudre aux yeux des citoyens, Mohamed Ould 
Abdel Aziz aurait pu présenter des projets concrets de construction 
d’école, de dispensaires et de forages. Somme toute, ils nous ont 
habitués à une médiocre spéculation. Le coche a été raté à Néma comme 
les années précédentes. Qu’il se tourne prochainement vers d’autres 
contrées du pays. Comme au Nord, il y a des oubliés de l’Etat au Sud. 
Ceux-là qui subissent un état de siège, le racisme de l’Etat et de tous 
ses rouages, de la discrimination à l’exclusion. Néma n’est pas plus 
digne que Wolum. S’il faut redorer le blason des pauvres, les gens des 
Hodh subissent le même calvaire que ceux de Guidimakha, de Gorgol ou de 
Brakna ect…
 Le mal ne réside pas uniquement dans la personnalité hautaine du 
Président, il se trouve dans l’imaginaire même de l’homme politique 
mauritanien. Son objectif consiste à décrocher le hochement de tête d’un
 notable, le ralliement d’un maire ou d’un député errant. Même s’il est 
convaincu des malheurs qui s’abattent sur les populations auxquelles il 
s’adresse, tout leader n’aspire qu’à entendre des louanges 
dithyrambiques et les cris habituels des foules déchainées.
Sur les problèmes de cohabitation et du respect des droits humains, 
ils brillent par leur fuite en avant. Tout récemment, l’injustice et le 
soulèvement populaire de Kéadi ont révélé l’échec de l’Etat. Au lieu 
d’afficher l’impartialité, l’appareil judiciaire a décidé d’envoyer un 
notable et des jeunes noirs en prison, alors que celui qui a été à 
l’origine du différend est non seulement blanchi mais bénéficie de la 
protection de l’Etat. Le pouvoir a réagi, comme à l’accoutumée, en 
réprimant les jeunes mécontents de voir leur dignité bafoué. Et les 
partis politiques se sont contentés de publier des communiqués, excepté 
TPMN et UFP qui se sont rendus sur les lieux pour ensuite éclairer 
l’opinion publique sur le parti pris des autorités. Nos dirigeants, du 
petit brigadier au président de la république, perdent toute équité 
lorsqu’il s’agit d’une confrontation raciale. Dans la vallée, le berger 
et le commerçant maure ont toujours raison. Et le noir de la vallée a 
toujours tort, c’est lui le raciste, communautariste et violent. Nous 
sommes habitués au discours démagogique consistant à dire que « notre 
unité est fragile » … mais qu’a-t-on fait pour la renforcer 
concrètement ? L’on refuse de reconnaître la déliquescence de l’Etat. 
C’est la politique des rapports de force qui nous gouverne.
Au tréfonds de la conscience nationale somnolent de sombres souvenirs
 de la violence de l’Etat. L’impunité des crimes odieux commis contre 
les officiers et soldats noirs en 89-90-91 alimente perpétuellement le 
sentiment d’injustice. Par cette complicité, les dirigeants favorisent 
les dérives et l’arbitraire. Les uns croient que tout est permis et les 
autres s’évertuent de rendre justice par eux-mêmes.  Raison pour 
laquelle le qui-vive est palpable. Si l’on veut conserver le peu de 
dignité et d’humanité qui nous restent, il est grand temps d’abolir dans
 toutes les sphères publiques la politique du « deux poids deux mesures ».
 La neutralité doit être une devise. Et la partialité de mise lorsqu’il 
s’agit de traiter les doléances  politiques et sociales des citoyens.

 

 
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