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mardi 19 août 2025

Esclavage en Afrique: La participation des féodalités africaines est incontestable !


« Bonsoir Diko. En Afrique, pour de multiples raisons, les gens ne lisent pas beaucoup ou disposent de peu de documents scientifiques sérieux. Je t'envoie des documents que je vais brièvement commenter. Ceux qui disent que les féodalités africaines n'étaient pas impliquées dans l'esclavage (arabo-musulman) depuis le VIIe siècle jusqu'au XXe, font du négationnisme ou du révisionnisme. De même, à des degrés divers, concernant les déportations européennes, l'écrasante majorité des chefferies ont été corrompues par les cadeaux offerts par les Européens, soit pour s'installer sur les côtes, soit pour prendre les voies fluviales et s'introduire dans le pays profond à travers leurs alliés... Les Portugais arrivés les premiers dès la moitié du XVe siècle, ont commencé à donner des cadeaux aux rois pour les corrompre et des armes pour déstabiliser leurs adversaires et en faire de futurs vassaux et esclaves... Les Français installés à Saint-Louis en 1659, ont aussitôt commencé le commerce des esclaves sur la côte sénégambienne... A partir de 1666 ils commencèrent à remonter le fleuve et à payer des redevances et des cadeaux aux souverains et chefs locaux... Mais dès qu'ils s'installent durablement (comme à Bakel), ils cherchent querelle aux chefs en s'imposant par la force. Mais à partir du Second Empire ils ne veulent même "plus payer les coutumes aux sauvages" (droits de passage et cadeaux). On trouvera des détails dans mon ouvrage " Mouhamadou Lamine Darame".

Il y a des passages au début de mon ouvrage où les Français achetaient l'amitié des chefs en payant des droits de passage sur le fleuve... À la fin de l'ouvrage tu verras comment ils intimidaient, enlevaient les enfants des fils de chefs pour les envoyer à leur école (chefs soumis ou vaincus). Il faut comprendre que les Européens sont venus s'installer sur les côtes à partir de 1444. Dès lors, on avait deux espaces de prélèvement d'esclaves : la moitié Nord du Continent (du Sahel jusqu'en Somalie) et sur les côtes (des côtes mauritaniennes jusqu'à la mer Rouge). Le Congo a la spécificité d'être la première à être démantelé et la dernière à continuer à être massivement attaqué au XIXe siècle par les esclavagistes.

Dans l’ouvrage de Claude Meillassoux, beaucoup de sociétés africaines font face aux deux systèmes esclavagistes... Les meilleurs spécialistes sont dans la bibliographie. En particulier Denise Bouche qui a écrit sur les "villages de liberté ". Elle montre comment les Français tout en ayant voté des lois d'abolition en 1848, ne veulent pas les appliquer ou faire voter de nouvelles lois pour l'Afrique noire (lois 1901-1903 et 1905 non appliquées). Ils louvoient avec les esclavagistes qui envoient des caravanes en Afrique du nord ; ils veulent seulement en empêcher ces flux de caravanes d'esclaves ; ils essaient d'attirer les esclaves dans leur "enclaves" (escales) tout en ne voulant pas mécontenter les féodaux (mais ils avaient besoin de main d'œuvre). Ainsi, les rois ou chefs de village qui acceptent de collaborer avec eux sont promus à des postes de chefs de cantons (début du XXe jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale). Les féodaux mécontents ont mobilisé leurs marabouts pour propager l'idée que tout esclave qui se rend dans les refuges du Blanc ira en enfer car il n'est pas libéré selon les lois de l'islam... (Denise Bouche " 1968 "Les villages de liberté en Afrique noir française, Paris, Mouton). Les Français ont continué eux-mêmes à pratiquer les travaux forcés jusqu’en 1946 (Loi Houphouet  Boigny) malgré les nombreuses injonctions de la Société des Nations (SDN).

L’ouvrage de Renault et Daget est l'un des meilleurs qui montre les parts de responsabilité des féodalités africaines et des marchands esclavagistes européens sur les côtes (et la pénétration de leur "commerce" par les cours d'eau du Golfe de Guinée). On achète les places des comptoirs, on couvre le roi de cadeaux (toujours ces marchandises européennes comme leurres). On lui vend des armes et il se lance à la recherche de ses congénères d'autres sociétés, voisines ou lointaines...

Dans cet ouvrage les Portugais débarquent en 1444 sur les côtes de l'actuel Mauritanie. Mais à la fin du XVe siècle, ils ont déjà démoli le Grand Congo d' Alfonse 1er malgré sa conversion et son attitude, conciliante. Ils remontent vers la Sénégambie pour démolir le Grand Jolof en détachant ses royaumes vassaux à qui ils offrent des cadeaux et vendent des armes... C'est l'explosion du Grand Jolof sous la pression des esclavagistes portugais. Diviser pour mieux régner, car la résistance des grands ensembles pourrait coûter cher à l'envahisseur. Mieux vaut diviser d'abord avant de s'attaquer à ceux qui résistent, mais qui sont déjà isolés...

La participation des féodalités africaines est incontestable ! Par exemple, que ceux qui disent que les rois du Fouta n'ont pas collaboré avec les colons m'expliquent pourquoi et comment le lieutenant colonel Henri Frey a pu avoir 2000 cavaliers d'Abdoul Boubacar roi du Fouta pour aller l'aider à brûler les villages du Gidimaxa qui ont aidé Mouhamadou Lamine lors du siège de Bakel en avril 1886 ? Partout il y a eu des résistances farouches certes, mais aussi des alliances coupables, des vassalisations et des soumissions honteuses. C'est à nous de lire toutes ces pages sombres et claires  de notre histoire en toute objectivité selon les contextes et les périodes.

Dogo Diawara, l'un des plus grands traditionalistes des Soinkés du Gajaaga décrit un exemple de collaboration et de soumission sournoises des féodaux : "Le roi de Tiyabou s'est déplacé en personne pour aller dire au commandant de cercle à Bakel : "Tu es mon camarade, je viens t'informer qu'un marabout du nom de Mamadou Lamine Darame du village de Gounjourou s'apprête à soulever le peuple et à provoquer des troubles dans le pays. Mais le Commandant du fort, le Capitaine Lefranc, était déjà au courant... car son chef hiérarchique le lieutenant Colonel Henri Frey avait reçu des garanties à Gounjourou auprès du marabout qui lui avait déjà promis qu'il ne s'attaquerait pas aux Français). On était en août 1885... Juste au retour de la Mecque du marabout soninké en juillet. Dogo Diawara précise : Le "Tunka" (roi) de Tiyabou disait à qui voulait l'entendre : "Nous avons essuyé un premier problème de Sikhou (maraboput) nous ne voulons plus d'un second Sikhou". Il avait été échaudé par le soulèvement généré par un premier marabout, en l'occurrence El-Hadj Omar, qui avait ébranlé les pouvoirs locaux des Soninkés et des Bambaras..." On comprend pourqupoi pratiquement, tous les souverains du fleuve avaient déjà en juillet 1885, signé un pacte de protectorat avec les colons français...(.....) »

Docteur Yaya SY Anthropologue et Professeur d'Histoire.

Quelques Images de l'auteur 





mardi 12 août 2025

M. Dicko ! Le combat contre l'esclavage est une lutte pour la dignité et la justice/ Dr Yaya Sy


Merci M. Dicko ! Le combat contre l'esclavage est une lutte pour la dignité et la justice, c'est un combat pour tous les hommes et toutes les femmes sur cette terre. Il ne vise  pas une ethnie, une famille, un individu. Il concerne l'histoire de l'humanité et tous les systèmes de domination érigés à travers cette histoire générale. Le système féodal liée au contrôle de la terre est un système né après la période des chasseurs cueilleurs. C'est un système de domination de ceux qui contrôlent la terre et l'outil de production agricole. Il engendre un système de hiérarchisation que les féodaux qui le contrôlent pensent qu'il sera éternel...

 Aucun système social n'est éternel... Continuons tranquillement notre combat pour l'égalité citoyenne, la dignité humaine et le respect pour tous et toutes. Pour ce qui concerne l'esclavage apporté par les Arabo-musulmans, il a commencé par la force des armes en l'an 652 avec la défaite des Africains du royaume de Méroé. Il s'est étendu à toute l'Afrique du Nord au Sud. Ce sont les Arabo-musulmans qui ont créé les marchés d'esclaves en impliquant des pouvoirs locaux (en leur offrant l'islam comme arme de légitimation du crime contre les autres Africains qualifiés de païens).

 La responsabilité des féodalités africaines est largement engagée, mais elles étaient vassalisées... C'est comme avec l'Europe, quand les premiers Portugais sont venus, ils ont immédiatement attaqué des villages pour prélever des esclaves. Cela a duré deux ans (1444-1446). La résistance des peuples a été tellement forte qu'un jeune Africain fils de chef de tribu déporté au Portugal leur a proposé d'armer les chefs de tribus pour faire la guerre aux autres tribus afin d'en faire des esclaves (il faut lire mon ouvrage "Légitimations de l'esclavage").

La responsabilité de l'esclavage est certes partagée, mais la plus grande part en incombe à ceux qui sont venus de l'extérieur pour dominer et déporter les Africains loin de leurs pays...

Docteur Yaya SY Anthropologue et Professeur d'histoire (ouvrage de référence ; "Les légitimations de l'esclavage et de la colonisation des Nègres" (Nègres en majuscule).

On vous conseille à lire les ouvrages suivants :

Mouhamadou Lamine Darame. Entre jihad et résistance anticoloniale par le Dr Yaya Sy : Lien : https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/mouhamadou-lamine-darame/34261?srsltid=AfmBOoorZRbJCwD-zhmc57HkggiXqYsh6K3fuRmEOWXx6Rfj7TvcHIeR

Anthropologie de l'esclavage. Le ventre de fer et d'argent par Claude Meillassoux : lien : https://www.fnac.com/a209725/Claude-Meillassoux-Anthropologie-de-l-esclavage

Les Traites négrières en Afrique. François Renault (Auteur)Serge Daget (Auteur)Paru en avril 1992 : Lien : https://www.fnac.com/a233413/Serge-Daget-Les-Traites-negrieres-en-Afrique

dimanche 13 juillet 2025

Mauritanie-Sénégal : Esclavage, racisme et raison d’Etat


مبادرة
إنبعـــاث الحــــركة االنعتـــــــاقية

INITIATIVE DE RESURGENCE DU MOUVEMENT ABOLITIONNISTE

IRA RÉCÉPISSÉ N° FA 010000102912202100001

Mauritanie-Sénégal : Esclavage, racisme et raison d’Etat

Nouakchott, 12/07/2025

Le mercredi 9 juillet 2025, le président Biram Ould Dah Abeid s’apprêtait à prendre son vol Dakar -Nouakchott lorsqu’un appel de la Police de surveillance du territoire du Sénégal (DST) lui signifie sa convocation, au bureau du ministre de l’Intérieur, le vendredi 11 juillet, à 10h. Aussitôt, le député Mauritanien quitte son domicile à Rufisque pour se rendre au rendez-vous, dans le Médina. Il réclame un report de la rencontre, ayant prévu des rencontres importantes à Nouakchott, au cours de la semaine.

1. Le commissaire Diallo, chargé de lui notifier la directive lui précise, très courtoisement, que son Excellence le ministre de l’intérieur, le Général Jean-Baptiste Tine, tient absolument à le recevoir, au jour dit ; l’émissaire ajoute qu’un collègue du président Abeid, au sein de la coalition de l’Opposition mauritanienne anti-système, en l’occurrence Samba Thiam, leader des Forces progressistes du changement (Fpc)), est sollicité, lui aussi, dans le même cadre et à titre équivalent.

2. Samba Thiam, informé, décline l’offre mais le récipiendaire du Prix Onu des Droits de l’Homme, Biram Ould Dah Abeid, est prié de le rassurer, afin de le mieux convaincre de déférer à l’invitation. Le Président des Fpc avait réaffirmé son refus catégorique. Alors, le leader anti-esclavagiste vient, seul, à la rencontre du ministre de l’Intérieur le général Tine qu’accompagnaient le Directeur général de la police du Sénégal (DGPN) et le Directeur général de la police de surveillance du territoire du Sénégal (DST).

3. Passé l’accueil jovial et hospitalier, digne de la légendaire Téranga, le ministre informe, le numéro 1 de l’opposition mauritanienne, que les autorités de Nouakchott se plaignent de la violence d’un discours récemment contre elles tenu, par lui, durant son séjour au Sénégal. Surpris et perplexe, le député et président de l’Ira, demande si ses interlocuteurs disposent de l’oraison incriminée ; la réponse sera négative. Immédiatement, l’élu argumente que le seul délit à lui imputable sur le sol du pays d’accueil consiste à inscrire, dans le cursus de l’école séculière du Sénégal, un enfant libéré de l’esclavage par ascendance. Au terme d’années d’effort et d’endurance, le jeune Yarg vient de décrocher le baccalauréat de l’enseignement général, à Dakar. Le symbole de sa réussite alimente la Une des journaux et réseaux sociaux en Mauritanie et ailleurs.

4. Biram Ould Dah Abeid sort de l’entrevue avec le ministre, après lui avoir rappelé sa réticence constante à interférer dans la politique intérieure du Sénégal ou émettre des critiques aux dépens de la relation libérale entre les deux pays. Le parlementaire réitéra que les institutions actuelles de la Mauritanie peuvent lever son immunité et le faire juger au grief de n’importe quelle infraction. En conséquence, elles devraient s’abstenir de requérir le concours actif du Sénégal. 

Le président Biram Ould Dah Abeid a exprimé, sa disponibilité et celle de toute sa famille, à quitter le Sénégal, si le pouvoir exécutif ou l’une des instances judiciaires lui signifient l’injonction. La terre de Dieu est vaste. Quant au gouvernement mauritanien, aucune crainte légitime ne le fonde à persécuter, de surcroît à l’étranger, un adversaire non-violent, a fortiori exclu de l’usage des armes, dès sa naissance. Après la série des séquestrations, condamnations, emprisonnements et chantage stériles dont a été victime Biram Ould Dah Abeid, le régime agonisant des inégalités génétiques gagnerait à questionner l’efficience de ses méthodes de dissuasion. Qu’il incline ou non à se réformer, sa fin est programmée, irrésistible, peu importe la manière.

La commission de communication