La
Newsletter d'IRA N°6 ( du 6 Avril
au 9 mai 2015)
1-
IRA célèbre le troisième anniversaire de
l'incinération symbolique des manuels esclavagistes
Cette
année, la date anniversaire de l'incinération des manuels du rite malikite
codifiant l'esclavage, coïncide avec la
sortie de prison de l’érudit Brahim
Jidou, excommunié par l’imam de la mosquée saoudienne, Ould Habibourahmane et
jeté en prison pour outrage. Ira-Mauritanie a célébré cette date en tenant un
sit in devant le siège de l’Association des Uléma de Mauritanie, exprimant de
la sorte son rejet de la Fatwa de cette institution notoirement inféodée au
pouvoir. Les militants d'IRA ont, par la suite, tenu une conférence de presse
au siège du FONADH pour expliquer la portée symbolique de l'événement et exiger la libération immédiate et sans
condition des prisonniers d'Aleg.
2-
Forte présence d'IRA au sein de la Marche du Manifeste
Le
29 avril, IRA-Mauritanie a participé à la marche du Manifeste pour les droits
civiques, politiques, économiques et sociaux des Haratines. Cette gigantesque marche
a impressionné les observateurs par sa diversité et sa discipline.
IRA-Mauritanie a démontré toute sa capacité de mobilisation. Le président du
Comité permanent du Manifeste a appelé à
la libération sans conditions des détenus d’opinion, maintenus en prison à Aleg
et à Nouakchott.
3- De retour de visite à Biram,
Brahim et Djibi
J'ai rendu visite à
deux reprises (Mercredis 15 et 29 avril
2015) aux prisonniers d'IRA incarcérés dans la prison d'Aleg, 250 Km au sud
ouest de Nouakchott. Le 15 j'étais accompagné d'un groupe de militants d'IRA et
le 29 de mon ami Ahmed Amou, arrivé de France 3 jours auparavant.
Les jours de visite sont les mercredis, samedis et lundis.
Les formalités sont réduites: on doit attendre à 500 mètres avant d'arriver à
la prison, sous un petit arbuste (voir photo), puis les gardes font entrer les
visiteurs par groupe de 3 après avoir relevé les identités, procédé à une
fouille avec palpation et confisqué téléphones, billets de banque ... Ceux qui
déclarent ne pas avoir de pièces d'identité communiquent leur nom et prénom et
sont crus sur parole. Par contre, il vaut mieux déclarer ne pas avoir de pièces
d'identité plutôt que d'avouer porter un passeport étranger, car dans ce cas on
vous demandera de retourner à Nouakchott pour rapporter une autorisation
spéciale.
Le hall d'entrée de la prison est à 5 mètres du portail. Il
donne accès à plusieurs ailes. A l'annonce du nom de Biram, le chef de poste me
désigne un garde pour m'accompagner. Un long premier couloir distribue de
lourdes portes de cellules vides... COO1, COO2...; visiblement les prisonniers
d'IRA occupent, à eux deux, tout une aile. Un deuxième couloir puis on arrive
devant une porte fermée par un cadenas accessible de l'extérieur. Le garde le
manœuvre puis tire sur la porte qui s'ouvre dans une vacarme de grincement
métallique. Le couloir est encombré de petites nattes, de chaises et de
rangers...c'est l'entrée de la cellule de Biram et Brahim veillée par 5 à 6
gardes.
Enjambant les effets des gardiens, je me précipite dans les bras de Brahim et
Biram et échange avec eux de chaudes accolades avant de répondre aux
salutations des autres militants et militantes dont la courageuse Leyla Mint
Ahmed, épouse du président d'IRA. On était au total une bonne petite dizaine.
La salle est relativement grande avec un plafond particulièrement haut. Juste
en dessous du plafond quelques lucarnes diffusent la lumière du jour. Au sol, 3
ou 4 petits matelas en mousse recouverts de tissu composent le mobilier avec
une natte en plastique tressé et quelques oreillers éventrés. Dans l'angle de la pièce, une
lourde porte laisse entrevoir une chaise turque qu'un robinet humidifie
continument d'un goutte-à-goutte sonore. Un petit ventilateur portatif
s'époumone à brasser l'air chaud de la pièce, sans grand succès. Tout à
l'heure, dans la voiture, le thermomètre affichait 44°C.
Depuis leur arrivée, le 15 janvier 2015, les deux dirigeants
d'IRA n'ont jamais vu le soleil. Jamais non plus ils n'ont pu faire du sport.
Interrogée à ce propos, l'administration pénitentiaire argue du fait que de
telles revendications ont aussi été formulées par d'autres pensionnaires de la
maison d'arrêt et que les satisfaire pour le groupe d'IRA instaurerait un
précédent qui pourrait difficilement être contrôlé. Pourtant, ces deux points
figuraient textuellement dans le protocole d'accord obtenu par les prisonniers
d'IRA à la suite de la grève de la faim qu'ils avaient organisée au début de
leur arrivée à Aleg.
L'intendance (repas, linge, eau, produits de toilette) est
assurée par Leyla avec les militants d'IRA qui ont loué une maison dans la
ville d'Aleg.
De façon générale, j'ai trouvé le moral des prisonniers, des
militants et des familles, très bon.
Biram: je l'ai trouvé amaigri mais très
combatif. En permanence, il essaye de tout mettre en perspective inscrivant
chaque action dans le cadre, plus général, du combat antiesclavagiste. Très informé de la situation à l'intérieur du
pays grâce au poste de télévision auquel ils ont accès, Biram ne rate pas une
occasion de s'informer sur les avancées de la cause à l'extérieur de la
Mauritanie. Les actions d'IRA, hors de la Mauritanie, lui ont particulièrement
fait chaud au cœur (Sud de la France, Paris, Bruxelles, Rome, Genève, Berlin,
Washington, Chicago, New York...). Le simulacre de tribunal organisé par
IRA-France, sa photo au marché de Fréjus, l'action conjointe des ONG françaises
(ACAT, Amnesty, Agir ensemble...) lui ont bien fait plaisir. Biram est très
soutenu, moralement, par Leyla, son épouse qui est une militante de la première
heure d'IRA. C'est elle qui structure la résistance à Aleg. Les enfants sont
restés à Maata Moulana (200 km en direction de Nouakchott) avec leur
grand-mère. Leyla entame son huitième mois de grossesse et doit rentrer à
Nouakchott pour accoucher. Elle a organisé son remplacement en faisant venir
certaines de ses soeurs et des cousines de Biram pour l'occasion.
Brahim: Très combatif, ne tarissant pas sur
les acquis déjà engrangés par le courant antiesclavagiste grâce à leur
arrestation et à la politique de lutte pacifique qu'ils ont initiée, il est sûr
de la justesse de la cause d'IRA. Très sensibles aux marques de solidarité que
la classe politique et les ONG de la société civile ont manifesté envers IRA,
Brahim est persuadé qu'il y aura un avant et un après Aleg.
La situation de Brahim est un peu plus compliquée que celle
de Biram. C'est la première fois qu'il est incarcéré si longtemps. Son salaire
de professeur de lycée a été suspendu, privant sa famille, restée à Nouakchott,
de toute source de subsistance. Etant très présent et impliqué dans la gestion
au quotidien de sa famille (trajets quotidiens, éducation...), son incarcération
prolongée a désorganisé sa famille de 4 enfants dont une adolescente. Son
épouse, Mariam, essaye de faire face avec l'aide de militant de la cause.
Sow Djiby: j'ai rendu visite à Djiby le
vendredi 24 avril 2014 à la prison centrale de Nouakchott. Sow fut transféré à
Nouakchott après la grève de la faim organisée en janvier par lui, Biram et
Brahim à Aleg. Il souffre de complication au niveau des reins et de problème
cutané. A la prison de Nouakchott, la cellule qu'il occupe est plus petite mais
fait partie d'une aile qu'il partage avec de gros bonnets de la finance en
délicatesse avec la loi, tel le célèbre banquier Ould Mogueye. Je l'ai trouvé
en compagnie de trois visiteurs. Très combatif, il inscrit sa lutte dans le
cadre de la dénonciation du passif humanitaire en Mauritanie dont furent
victimes les Noirs de notre pays. Aux dernières nouvelles, Sow attend toujours
de pouvoir passer un scanner pour commencer son traitement médical.
Sur le procès en appel, il y a peu d'informations fiables.
Les avocats ont introduit une demande de mise en liberté provisoire. Aucune
réponse pour le moment. L'Opposition a placé la libération des prisonniers
d'IRA en tête des conditions pour entamer un dialogue avec le pouvoir.
Aux dernières nouvelles, le procès en appel pourrait se tenir
le 22 mai à Aleg.
Des pressions politiques et diplomatiques sont exercées par
de nombreux pays, institutions et organisation internationales. Des fatwa ont
été édictées pour condamner l'esclavage et un vif débat est en train de se mettre
en place autour de cette question. IRA est, plus que jamais, au centre des
préoccupations des Mauritaniens.
Mohamed
Baba
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